La Philosophie dans le Boudoir
Catégorie : Littérature
Genre : Roman, Littérature libertine, Théâtre
Année : 1795
Nombre de pages : 220
Nation : France
Auteur : Le Marquis de Sade
Synopsis : Madame de Saint-Ange, une bourgeoise libertine, veut initier Eugénie, jeune de 15 ans, à la dépravation et au libertinage. Pour cela elle fait venir Dolmancé un de ses amis et le chevalier de Mirvel. Ensemble ils s’acharnent à pervertir la jeune et innocente Eugénie.
Analyse critique :
(Attention SPOILERS)
Aujourd’hui, dernière chronique de notre petit cycle dédié au Marquis de Sade avec La Philosophie dans le Boudoir rédigé en 1795. Ce fut pour ma part le premier bouquin que j’ai lu de l’auteur. Il fait évidemment partie des œuvres cultes de la littérature française.
A l’époque, Sade avait déjà fait scandale avec Justine ou les malheurs de la Vertu. Ici il revient donc à la charge avec un nouvel ouvrage beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
On suit donc l’histoire d’un groupe d’individus dans une maison. Parmi eux, trois bourgeois vont tout faire pour amener la douce Eugénie à basculer dans le libertinage et la dépravation.
La Philosophie dans le Boudoir se révèle donc assez différent des précédentes œuvres de Sade. Certes le ton est le même et le style du Divin Marquis est immédiatement identifiable. On y retrouve toujours ce langage raffinée et ce sentiment d’improvisation dans l’écriture. De même que cette poésie sadique.
Cependant, la narration change. La Philosophie dans le boudoir a un aspect très théâtral, puisqu’il est rédigé sous forme de dialogues comme une pièce. Cela rend la lecture très attrayante. Et comme souvent, on se laisse envoûter. L’aspect théâtral de ce nouveau livre est également souligné par le côté « huit clos », puisque les scènes se passent toutes en un même lieu. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant puisque le Divin Marquis était féru de Théâtre.
Pour ce qui est du fond de l’œuvre, on retrouve les thèmes chers à Sade. L’apprentissage du libertinage dans ce qu’il a de plus dépravé et un profond athéisme qui se traduit même par une haine du clérical.
Tout comme dans Justine ou les Malheurs de la Vertu, on a une jeune fille qui est sans arrêt poussé par la tentation de la dépravation. Mais contrairement à Justine, Eugénie ne va pas résister et va en réalité suivre un parcours initiatique pour aller vers le libertinage le plus poussé.
Une fois encore Sade sait trouver les mots pour justifier le sadisme libertin. Il suit toujours cette logique implacable en faisant appel à la nature. Par exemple pour Sade, le fait que la nature ait conçu l’homme comme plus massif et plus fort physiquement que la femme prouve qu’il est destiné à la soumettre à ses désirs.
Pour autant la philosophie libertine de Sade est ici tellement poussée à l’extrême que cela a mené beaucoup de gens à penser qu’en réalité La Philosophie dans le Boudoir montrerait au contraire le grotesque de ce libertinage. En fait, ce serait un appel aux bonnes valeurs, Sade poussant jusqu’au bout la logique libertine pour en écœurer le lecteur. C’est une théorie intéressante.
Mais La Philosophie dans le Boudoir a également fait parler pour son contenu plus politique jusque là plus ou moins absent de l’œuvre de Sade.
En effet, le livre se situe bien dans le climat de l’époque dans un contexte postrévolutionnaire. Il y’a notamment le fameux pamphlet « Français, encore un effort si vous voulez être républicain ». Dans ce texte, le Divin Marquis fait part de sa haine et de son mépris pour la monarchie et la religion et appelle à une république qui soit en quelque sorte libertine. On ignore à qui il pense réellement s’adresser, mais au final avec le temps on finit par découvrir avec ce texte, que Sade était certes un grand penseur mais ne disposait pas d’une grande culture ou connaissance politique. Il s’adresse ici au peuple français, sans sembler s’apercevoir qu’il véhicule les idées de la bourgeoise. Cette même bourgeoisie qui mena la révolution et qui après avoir utilisé Sade le détruira aussi. Cela dit, resitué dans son contexte c’est un document intéressant, mais qui nous prouve que Sade est un libertaire dans le sens apolitique du terme.
La Philosophie dans le Boudoir n’est d’ailleurs pas son œuvre la plus trash ou violente, seul le final est vraiment corsé. On y retrouve une fois encore tout le génie d’écriture du Divin marquis.
La Philosophie dans le Boudoir est donc une nouvelle réussite. C’est très bien écrit, et on peut trouver plusieurs interprétations du message que Sade a voulu nous délivrer.
Une œuvre à lire.
Note : 16,5/20
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