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25 février 2015

Docteur Folamour ou: Comment j'ai Appris à ne Plus m'en Faire et à Aimer la Bombe

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Comédie Dramatique, Comédie Noire

Année : 1964

Public : Tous Publics

Durée : 1H31

Nation : USA, Royaume Uni

Réalisateur : Stanley Kubrick

Acteurs : Peter Sellers, George C. Scott, Sterling Hayden, Keenan Wynn, Slim Pickens.

Synopsis : Devenu fou, Le général américain Ripper décide de son propre chef d’envoyer des avions nucléaires bombarder l’URSS. Suite à cet acte, qui risque d’entraîner le monde dans une guerre atomique dévastatrice, un conseil, réunissant le président des Etats Unis d’Amérique ainsi que les ministres et les officiers, est organisé. Ensemble, ils tentent par tous les moyens de faire revenir les avions. Malheureusement, la procédure a été conçue pour être irréversible. Cela pourrait mener à la destruction de la surface globale.      

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

 Continuation de notre cycle Kubrick avec un film majeur du cinéaste qui marque lui aussi un moment charnière dans sa carrière. Ce film c’est Docteur Folamour ou : Comment J’ai Appris à ne Plus m’en Faire et à Aimer la Bombe.

Nous sommes en plein cœur des années 60. Stanley Kubrick sort tout juste du succès de Lolita, un film au parfum de scandale. Lolita fut une œuvre importante dans la carrière du réalisateur, car ce fut son premier film où il put jouir d’une liberté absolue. Les premiers films indépendants de Kubrick avaient uniquement connu un succès critique. Le cinéaste n’avait connu le succès commercial  qu’avec Spartacus, un film assez impersonnel qu’il reniait. Lolita parvenait à marier Liberté artistique et succès commercial.

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La Harris-Kubrick Pictures Corporation avait réussi un coup de maître. Mais pour les deux hommes, c’était aussi le moment de se dire adieu. Harris décida de tenter sa chance en tant que réalisateur, alors que Kubrick allait s’essayer à la production. Une question se pose alors pour le cinéaste : Quel film faire maintenant ?

Dans les années 60, un débat inquiète beaucoup, celui de l’arme nucléaire qui a fait tant de dégâts à Hiroshima et Nagasaki. Mais surtout, en 1962, les américains avaient été marqués par la crise des fusées de Cuba, qui aurait pu pour beaucoup déclencher une guerre atomique. Kubrick se passionne pour le sujet et lit beaucoup de livres le concernant. Il prend alors conscience de l’instabilité de la situation et du fait qu’un tel pouvoir de destruction est mis entre les mains de n’importe qui. Parmi ses lectures, figurait le livre Red Alert de Peter George (d’abord édité sous le titre de Two Hours to Doom et sous le pseudo de Peter Bryant). Ce livre était un récit d’anticipation particulièrement sombre et sérieux qui évoquait l’idée d’une guerre nucléaire entre les USA et l’URSS. Kubrick tient là son prochain film, une adaptation du bouquin de George paraît vraiment d’actualité. Au début, le projet est promu par Seven Arts qui finit par se retirer. C’est donc la Columbia qui reprend l’affaire et qui insiste pour que Peter Sellers joue plusieurs rôles dans le film, comme il l’avait fait dans La Souris qui rugissait de Jack Arnold. Sellers connaissait Kubrick, puisqu’il avait déjà travaillé avec lui dans Lolita qui l’avait rendu célèbre. Par la suite, La Panthère Rose avait achevé d’en faire une star à Hollywood. Il paraît donc clair que la décision de la Columbia de prendre Sellers a eu une influence majeure sur le choix de Kubrick de rompre avec le ton original du livre pour proposer non pas un film sérieux mais une comédie.

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Le pari est évidemment audacieux, car Docteur Folamour traite d’un sujet très grave qu’il est certes original mais aussi difficile d’aborder sur un ton comique sans se perdre en chemin. Pourtant, Kubrick se souvient de deux films sur le sujet que sont Le Dernier Rivage et Point Limite, qui prenaient un ton sérieux mais n’avaient au final pas eu de succès. Le cinéaste comprend donc que l’humour peut au final permettre d’aller plus loin et de se lâcher sous le couvert de la comédie et ainsi dresser une satire militaro-politique puissante.

Pour le scénario, il fait appel à Terry Southern, maître de la comédie noire. Les deux hommes travaillent le script ensemble. Le projet est alors baptisé « Docteur Folamour ou : Comment j’ai Appris à ne Plus m’en Faire et à Aimer la Bombe ». Un titre loufoque à l’image du film qui se prépare.

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Ici, Kubrick parvient à mêler humour et dramatique avec brio. Jusqu’alors, le cinéaste avait prouvé qu’il faisait partie des grands réalisateurs, mais c’est à partir de Docteur Folamour que son génie va vraiment exploser. On rit de la fin du monde en quelque sorte. Cela aurait pu donner un truc un peu loufoque et mal foutu, mais le cinéaste parvient à doser juste ce qu’il faut pour trouver l’équilibre parfait.

Premièrement, au niveau de la réalisation en elle-même. Sur son film précédent, Lolita, Kubrick s’était montré beaucoup plus sobre, mais ici il repart dans un cinéma explosif visuellement. Comme à son habitude, il choisit de tourner en noir et blanc. Il joue une fois de plus sur les ombres et les lumières pour créer une ambiance sublime. On pensera surtout aux séquences dans la base du Général Ripper ou aux célèbres scènes de la salle de guerre. Pour ces dernières séquences, Kubrick aurait filmé avec de la lumière naturelle (un procédé qu’il réutilisera), le rendu est extraordinaire. Dans le film précédent, on pouvait déjà quelque peu ressentir l’influence de Buñuel, c’est encore plus vrai ici. Notamment sur le côté un peu loufoque et ce déjanté ironique. Mais Docteur Folamour a aussi son petit côté fantastique, à travers notamment la célèbre scène de Kong chevauchant la bombe mais aussi sur le générique du début. A propos de ses premières images, Martin Scorsese déclara qu’en les voyants « on savait que tout pouvait arriver dans ce film ». Cette séquence est également assez impressionnante comme beaucoup d’autres dans le film, et Kubrick sait tirer profit de ses plans aériens. Rien que sa façon de filmer la salle de guerre est déjà impressionnante.

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Docteur Folamour a également un aspect Huit-Clos, bien qu’en fait, on suive trois histoires dans trois lieus bien définis. Kubrick gère très bien ce détail et en profite pour rendre son œuvre très théâtrale. 

 On ne peut que trouver génial le fait que le cinéaste ait choisi de faire de ce film une comédie. Rarement dans l’histoire du cinéma, l’ironie a atteint un tel degré. On retiendra par exemple la scène de fusillade entre les militaires devant la caserne avec en arrière plan une pub promotionnelle de l’armée ayant pour slogan « La Paix est notre métier ». De même que certaines citations :

« Cette fois, c’est le corps à corps atomique avec les soviets ! »

« Clémenceau disait, la guerre est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux militaires. Mais aujourd’hui, la guerre est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux politiciens ! » (J’adore cette phrase !)

« Messieurs, vous ne pouvez pas vous battre ici, c’est la salle de guerre ! » (Celle-là aussi !)

« Mein Führer ! Je marche ! »

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Certaines situations tragiques deviennent hilarantes, comme lorsque le président des Etats Unis doit appeler le dirigeant soviétique pour le mettre au courant de la situation et que ce dernier est ivre. On a donc des scènes dramatico-comiques absolument géniales.

Comme souvent chez Kubrick, on retrouve également l’influence des échecs. Tout est une partie d’échec où il faut agir de façon coordonnée et avancer de façon stratégique pour reprendre le contrôle des avions. On retrouve également le parallélisme visuel qui est une signature pour le réalisateur de même que les jeux avec les miroirs.

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Le réalisateur filme également l’intérieur de l’avion de façon maniaque et on ressent là l’influence de son court métrage Flying Padre.

Docteur Folamour joue également énormément sur les symboliques. Notamment dans les images. Les symboles sont souvent liés au sexe. Par exemple, la scène de Kong « montant » la bombe en poussant des cris jouissifs, la première séquence dans la chambre de George Scott, ou les discours de Ripper sur les fluides corporels et sur le fait que l’eau, qui aurait été empoisonnée par les soviets, le rendrait impuissant. Mais la symbolique figure également dans les noms des personnages. Ainsi le général Jack D. Ripper fait référence à Jack l’éventreur. Le général Buck Turgidson qui signifie plus ou moins « mâle turgescent », le président Merkin Muffley, deux mots qui en argot désignent les poils pubiens féminins. Vous aurez donc compris que Docteur Folamour joue beaucoup sur l’absurde et ce pour faire ressortir encore plus le véritable absurde de cette situation.  

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Le film tenta également le burlesque dans une scène de bataille de tarte à la crème ayant lieue entre les politiciens et les militaires dans la salle de guerre. Cette séquence fut finalement retirée par Kubrick qui la trouvait trop différente de la tonalité du reste du film.

Mais l’une des séquences les plus évocatrices reste le final apocalyptique qui voit le monde plongé dans la destruction atomique. Kubrick filme alors des champignons nucléaires impressionnants accompagnés de la chanson We’ll Meet Again. Cette séquence crée un contre pied total et se veut marquante. En effet, depuis le début, le film use d’une ironie vraiment tordante bien que grinçante. Dans cette dernière scène, l’ironie va tellement loin qu’elle en devient franchement amère et qu’elle ne nous fait pas vraiment rire. C’est sans aucun doute volontaire de la part du cinéaste qui tient par terminer sur une prise de conscience de la gravité du sujet. Et ce cynisme extrême est le meilleur moyen d’y parvenir. Cette scène montre aussi un procédé qui va devenir récurrent chez Kubrick, à savoir l’utilisation de la musique à contre emploi. Ici une chanson joyeuse accompagnant la fin du monde dans un déluge nucléaire. Par ailleurs, le réalisateur a très bien fait cette scène qui reste subtile, ne tombant pas dans le piège de la grossièreté.

    

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Kubrick signe un travail tout bonnement phénoménal et surtout novateur. Il a pris beaucoup de risque avec ce parti pris, mais cela fonctionne à merveille. Sa réalisation confère une puissance ironique incroyable à Docteur Folamour.

Mais comme dans les deux films précédents, on a droit à un casting en or. Spartacus et Lolita ont formé Kubrick à diriger les plus grandes pointures d’Hollywood. Ici il retrouve des stars telles que Peter Sellers (que j’ai déjà cité), George C. Scott, Sterling Hayden et Keenan Wynn.

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Commençons donc par notre acteur principal qui est Peter Sellers. Comme je l’ai expliqué plus haut, la Columbia exigeait que le comédien interprète plusieurs rôles. Quatre furent d’abord retenus : Le Capitaine Mandrake, le Président, le Docteur Folamour et le Pilote de l’avion. Ce dernier fut finalement confié à Slim Pickens. Ainsi, Sellers se retrouva à jouer trois personnages. Parlons d’abord du Capitaine Mandrake. Ce personnage reprend les moustaches de l’inspecteur Clouzot dans La Panthère Rose. Mandrake sera au final le héros du film. Il passe son temps à tenter de soutirer au Général Ripper des infos pour arrêter l’attaque nucléaire. Mais il ne parviendra qu’à conduire ce dernier au suicide. Mandrake va cependant trouver une solution. Ce personnage est amusant dans le sens où il paraît assez naïf, quelque peu maladroit, mais surtout il tente de façon comique de garder son sang froid face à une situation à la fois absurde et dangereuse. Il est également entouré de personnages complètements fous ou idiots. Peter Sellers est sublime dans ce rôle. Il endosse donc également celui du président Merkin Muffley. Ce personnage est au final très intéressant, car il paraît moins comique et satirique que les autres. J’ignore si c’était volontaire mais en fait je le perçois comme moins humoristique car il se révèle particulièrement réaliste. Oui, ce président fait clairement penser aux vrais politiques. Il apparaît incapable et s’obstine à garder un sérieux qui ne trompe pas son ridicule. Ridicule amer, quand on voit où son incompétence en tant que dirigeant finit par mener. Je pense notamment à la scène où le président s’étonne que la procédure d’attaque nucléaire soit irréversible et que le général Turgidson lui rappelle que c’est lui-même qui a signé toutes les directives du protocole. Sellers trouve là un rôle plus sérieux. Le président est au final le personnage le plus inquiétant du film (plus que Folamour même). Nous en arrivons donc au scientifique chtarbé qui donne son nom au film, le Docteur Folamour. Beaucoup de personnes se demandent encore aujourd’hui pourquoi le nom du personnage représente le titre du film alors qu’au final il n’apparaît assez peu à l’écran. Peut être parce qu’en fait, c’est le Docteur Folamour qui évoque la suite du titre : « Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe » qui représente la solution finale du film. Folamour représente la science et donc la nouvelle doctrine à qui l’état se fie aveuglément comme à un nouveau clergé. Kubrick disait d’ailleurs lui-même « La science est potentiellement bien plus dangereuse que l’Etat, car elle a un effet bien plus durable ». Folamour, un ancien scientifique nazi, devient alors la pensée unique de ce futur monde post-apocalyptique. Sellers est là encore génial dans ce rôle de scientifique déjanté. Pour l’interpréter, il se serait inspiré du célèbre photographe d’origine allemande Wegee qui était par ailleurs l’une des idoles de Kubrick. Ce dernier avait d’ailleurs invité Wegee en tant que photographe sur le plateau et Sellers en l’entendant parler avec son accent allemand choisit de l’imiter pour Folamour. De ce personnage, on se souviendra bien évidemment de ce bras droit toujours tenté de faire un salut nazi et qu’il doit retenir en permanence. Ou encore de sa tendance à appeler le président « Mein Führer ! ». Cependant c’est sur ce point qu’aujourd’hui je trouve le personnage trop caricatural et finalement assez cliché, mais ceci dit c’est aussi Docteur Folamour qui a un peu contribué à ce cliché et puis cet élément n’est au final pas gratuit comme nous le verrons. Autant dire que Sellers remplit ce triple rôle à merveille et signe ce qui est l’une de ses meilleures et plus impressionnantes performances.

    

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Pour le reste du casting, nous avons également George C. Scott. A l’époque l’acteur n’était pas encore célèbre et c’est avec ce film que sa carrière va exploser. Scott tient là un rôle qui lui collera plus ou moins à la peau tout au long de sa vie : celui de l’officier militaire bourrin et belliqueux. Ce personnage comique préfigure même un peu le personnage de Patton dans le film éponyme réalisé en 1970 avec Scott dans le rôle titre. Ici l’acteur joue le général Buck Turgidson, qui met au courant le président et son conseil de la situation. Au final, on réalise que Turgidson n’est pas tellement différent de Ripper, puisqu’il a une hostilité extrême envers les soviétiques et les communistes et pense, face à la situation, achever le travail et railler l’URSS de la carte. Le personnage est véritablement comique tant il est la caricature (certes grosse comme une maison) de l’officier militaire belliqueux, paranoïaque et ne réfléchissant pas vraiment. Il est surtout comique dans les scènes qui l’oppose à l’ambassadeur soviétique qu’il accuse d’espionnage (et à juste titre en plus !). Scott est absolument parfait pour ce rôle qui reste l’un des meilleurs de sa carrière.

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Ensuite on se fera un plaisir de retrouver Sterling Hayden pour interpréter le fou et paranoïaque général Ripper. L’acteur avait déjà bossé avec Kubrick sur L’Ultime Razzia où il tenait le rôle principal. Ici, il trouve un rôle à sa mesure. Il donne toute la folie nécessaire au personnage de Ripper qui est l’un des plus importants du film. Le jeu de l’acteur est sans doute souvent basé sur l’improvisation. Son discours sur les « fluides organiques » est absolument génial. Ripper est la cause du désastre à venir, celui qui a appuyé sur le mauvais bouton de son propre chef, pour détruire l’URSS et empêcher selon lui les soviets de rendre impuissant les américains. Ce personnage paranoïaque est un héritier évident du Maccarthysme et nous fait donc plonger dans une Amérique profonde et malade. Sterling Hayden est inoubliable avec son cigare continuellement coincé entre les dents et son regard de fou. Son jeu est exceptionnel car jamais surjoué (ce que beaucoup auraient fait). La prestation d’Hayden apporte énormément au film et vient s’aligner sur la qualité des interprétations des deux acteurs que j’ai déjà cités.

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Mais n’oublions pas aussi Keenan Wynn, qui interprète un sergent complètement abruti et aliéné par la rigidité du système miliaire. L’idée de confier le rôle à Wynn était une excellente idée car l’acteur a un faciès sérieux qui ne colle pas vraiment avec la stupidité de son personnage et c’est ce qui le rend hilarant.

Mais l’un des seconds rôles les plus cultes c’est évidemment celui du Major « King » Kong, le pilote de l’avion. Comme je l’ai évoqué plus haut, ce rôle devait à la base être confié à Peter Sellers. Mais on ne regrettera pas le choix de retirer l’acteur au profit de Slim Pickens absolument mythique. Ce personnage est attachant de par le fait qu’il a l’air idiot (c’est le genre de protagoniste qu’on pourrait trouver dans un film des frères Coen). Lui aussi symbolise pourtant une Amérique profonde vêtu de son chapeau de Cow boy et faisant du rodéo sur sa bombe nucléaire. Un des protagonistes les plus cultes du cinéma de Kubrick.

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On a également Tracy Reed dans le rôle de la secrétaire et Peter Bull pour interpréter l’ambassadeur de l’URSS

Pour ce qui est des acteurs, j’ajouterai que Kubrick, qui s’est fait la main avec Spartacus, sait très bien les diriger. La folie qui se dégage de leur jeu et qui correspond à leur personnage est typique du cinéma de Kubrick. On notera aussi l’utilisation subtile de la grimace dans le jeu des acteurs qui là encore se retrouve souvent dans l’œuvre du cinéaste. La grimace faisant quasiment office de masques de théâtre significatifs. 

   

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Que dire donc de Docteur Folamour ? En réalité, ici Kubrick ressasse les inquiétudes profondes de l’époque. Il affirme avec ce film ne pas croire au pouvoir de dissuasion nucléaire qui sauvegarderait la paix dans le monde. On nous démontre ici que le pouvoir de faire sauter la planète est mis entre les mains de n’importe qui et qu’il ne garantit rien. L’Amérique en prend pour son grade mais également l’URSS qui dispose d’ailleurs d’une arme encore pire dans le film. A propos du personnage de l’ambassadeur soviétique, on note la scène où, alors que l’attention des autres membres est détournée, il prend des photos d’espionnage de la salle de guerre. Ici Kubrick montre son pessimisme sur une nature humaine qui ne change pas et ce malgré les pires évènements mondiaux. Mais Docteur Folamour est surtout un film sur l’incompétence politiquo-militaire à engager des procédures et des responsabilités qui les dépassent.   

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A sa sortie, le film fera un scandale et établira définitivement Kubrick comme un réalisateur subversif. On jugera de mauvais goût cette farce sur la destruction atomique à l’heure où tout cela semblait possible. Mais en réalité, la polémique vient probablement du fait que le film gênait dans sa façon de critiquer violemment la politique. Pourtant, il obtiendra un énorme succès et propulsera Kubrick parmi les plus grands. Les gens seront fascinés par cette satire puissante, drôle et terrifiante. Martin Scorsese racontait qu’il avait certains amis ayant des positions de droite maccarthyste et qui ont pourtant été séduits par le film.

Docteur Folamour sera nominé pour quatre oscars : Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleur acteur et meilleure adaptation. Vu le contexte politique, on peut comprendre qu’il n’en remportera aucun.

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Le film est rapidement devenu culte et continue de fasciner des générations de cinéphages. Aujourd’hui, la guerre froide est certes fini (sur le papier en tout cas), mais le débat de Docteur Folamour reste encore d’actualité et nous questionne sur une puissance nucléaire que nous ne contrôlons pas et qui peut à tout moment se retourner contre nous.

Mais je trouve que le film reste également toujours assez subversif en choisissant de pointer du doigt les USA comme déclencheurs de cette guerre, surtout à l’heure où le gouvernement américain veut nous convaincre d’une menace terroriste nucléaire. Au final on en est toujours au même point et ce n‘est guère rassurant. Le New York Times décrivait très bien le film comme « L’une des farces les plus difficiles à digérer et en même temps l’une des satires les plus intelligentes et incisives jamais portées à l’écran concernant la folie militaire. ». J’ajouterai même la folie politique.

  

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Kubrick atteint ici l’un des sommets de sa carrière qui marque le début de son apogée qui durera un peu plus de 10 ans. On dit souvent que c’est avec ce film que son génie explosa littéralement et je suis totalement d’accord avec cette affirmation. Kubrick signe l’un de ses plus grands chefs d’œuvre qui annonce les sommets de la grandeur.      

       

    

Note : 19/20

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Commentaires
V
Au final je trouve même qu'il passe mieux que La Bombe. Son ton satirique lui a permis de mieux passer le court du temps. Sinon ça reste un film fascinant et je rejoins ta remarque sur l'aspect kamikaze ici attribué aux USA, ce qui est génial.
J
Clairement un de ces meilleurs en effet ! Une comédie qui reste toujours aussi efficace malgré l'âge, et vraiment subtile dans ses postures politiques (l'acharnement des pilotes de l'avion à larguer la bombe, sur fond de patriotisme allant jusqu'au sacrifice volontaire entraînant la fin du monde, c'est tellement irrévérencieux qu'on s'en délecte encore aujourd'hui). Avec La Bombe (film radicalement sérieux, lui), surement le meilleur film de son époque sur le sujet.
V
à Tina: Oui c'est de l'humour noir comme on en voit peu. Il avait d'ailleurs été très controversé à l'époque. Je vois que tout le monde a à juste titre retenu la prestation de Sellers, mais n'oublions pas aussi Sterling Hayden et George Scott qui sont vraiment exceptionnels.
T
Ce film fait partie des grandes réussites de Kubrick, parvenant à faire rire sur un sujet aussi délicat. On retiendra également les incroyables performances de Peter Sellers.
A
sans aucun doute dans le top 5 du réalisateur, un nouveau chef d'oeuvre donc
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