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4 décembre 2015

Tintin en Amérique

 

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Catégorie : Bande dessinée

Genre : Aventure

Année : 1932 (noir et blanc) 1946 (couleur)

Nombre de pages : 62

Nation : Belgique

Auteur : Hergé

Synopsis : Tintin le jeune reporter est envoyé en Amérique et plus précisément dans la ville de Chicago pour y réaliser un reportage sur le crime organisé. La Pègre de la ville voit d’un mauvais œil cette nouvelle arrivée qui pourrait ruiner leurs plans et elle décide rapidement d’envoyer un tueur contre Tintin. Ce dernier aura à faire face au redoutable Al Capone, à des gangsters notoires et même à des indiens.  

Analyse critique :

(Attention SPOILERS)

Continuation de notre cycle Tintin avec le troisième album de la série, Tintin en Amérique. Un album qui fait plus ou moins la jonction avec ce que va devenir Les Aventures de Tintin.

Après être passé par l’URSS, le Congo, notre jeune reporter et son fidèle compagnon Milou partent vers l’Amérique. Destination logique pour deux raisons.

Premièrement, dés la fin de Tintin au Congo, Tintin annonçait qu’il allait préparer un voyage en Amérique. Ensuite, cela suit le cheminement politique d’Hergé qui, issu des milieux nationalistes et catholiques, avait beaucoup critiqué le communisme et s’attaque donc logiquement au capitalisme désormais.

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Le capitalisme, il l’avait plus ou moins attaqué dans l’album précédent Tintin au Congo en ciblant notamment l’impérialisme anglo-saxon.

Tintin part donc en Amérique. Le postulat de départ est toujours le même, la venue du reporter fait sensation dans le pays et dés son arrivée, il est pris en chasse par un tueur. A ce niveau là, Tintin en Amérique ne déroge pas à la règle. Cela dit le contenu va être ici beaucoup plus profond.

Déjà, la première image annonce la couleur lorsqu’on voit un policier saluer un gangster qui visiblement vient de commettre un crime.

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Hergé dessine donc le crime organisé à Chicago et notamment son égérie de l’époque le gangster Al Capone. Ce dernier était déjà mentionné dans Tintin au Congo mais ici, il apparaît bel et bien et fait partie des personnages de la première partie.

Tintin en Amérique se présente comme les autres albums, à savoir sous la forme d’une série d’aventures et de péripéties.

L’Album a été assez critiqué ces derniers temps. Certains lui ont reproché de donner une mauvaise image d’une Amérique peuplée de gangsters.

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Mais en 2015, Tintin en Amérique, tout comme Tintin au Congo a eu le droit à une accusation de racisme. En effet, des résidents du Winnipeg, au Canada, ont demandé à une librairie de retirer l’album des rayons car ils estimaient « son contenu discriminatoire envers les premières nations », que le livre « donnait une vison péjorative des autochtones » et qu’il présentait les indiens « comme des êtres sauvages et dangereux, des êtres que l’on doit craindre ».

En entendant cela on croit clairement rêver. Autant on pouvait à la rigueur comprendre les polémiques qui entouraient Tintin au Congo, autant là, on comprend juste qu’on a affaire à une petite bande d’affairistes prêt à n’importe quoi pour se faire un petit billet ou pour emmerder le monde. Car en effet, au Canada, Tintin en Amérique est n°1 des ventes de tous les albums de Tintin.

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Revenons alors sur ces prétendues visions discriminatoires. Premièrement les bandits de Chicago. Oui il y’en a beaucoup dans cet album. Et alors ? Ira-t-on jusqu’à nier que dans les années 30, Chicago était la capitale du crime organisé ? Hergé ne fait que représenter un phénomène que les américains notaient eux-mêmes à l’époque, une apogée terrible du grand banditisme. Ici, l’auteur dénonce la corruption dans les milieux haut placés et la terreur que font régner les gangs. Mais plus que cela, il ne s’attaque pas seulement aux gangsters mais également aux banksters. Les affairistes et les industriels libéraux américains en prennent pour leur grade. Au final, il montre la dérive et la décadence des sociétés capitalistes ultralibérales. C’est sans doute pour cela que l’album fut attaqué.

Mais venons-en aux amérindiens, le livre serait-il raciste envers ce peuple premier d’Amérique ? Pas du tout et même au contraire. Leur hostilité envers Tintin trouve même une justification dans le sens où ils ont été dupés par le bandit Bobby Smiles qui leur a fait croire que le jeune reporter convoitait leurs territoires. En réalité, le livre montre au contraire comment le gouvernement américain et notamment les compagnies pétrolières chassent sans pitié les indiens de leurs territoires pour les exploiter. Hergé dénonce donc ici le mal fait aux amérindiens par l’impérialisme anglo-saxon. A l’époque où les westerns à succès montraient les indiens comme des salauds face aux gentils cow-boys, on ne peut que saluer le courage et la clairvoyance d’Hergé pour avoir montré un peuple amérindien opprimé par le libéral américain.  On voit donc difficilement ce que l’on peut reprocher à Hergé. Mais visiblement, certains estiment qu’il aurait dû montrer des indiens 100% parfaits sans aucune tâche. Si toutes les communautés et tous les peuples exigent de même, ça risque d’être compliqué !

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D’ailleurs, concernant les accusations de racisme envers les noirs portés contre Hergé par rapport à Tintin au Congo, on peut dire ici qu’elles étaient au final biaisées, car l’auteur dénonce également le racisme envers les afro-américains dans ce nouvel album. Notamment lorsqu’on apprend que des noirs sont lynchés par dizaines suite au braquage d’une banque commis par un bandit mexicain (espérons que les mexicains ne viennent pas à demander l’interdiction du bouquin pour ce personnage !). Certains diront peut être qu’Hergé a voulu redorer son image suite au portrait qu’il faisait des noirs dans Tintin au Congo. Pardon ! Mais au moment où il rédigea Tintin en Amérique, l’album Tintin au Congo n’avait pas encore fait polémique, ce n’est qu’après guerre que le scandale éclatera, donc on ne peut pas accuser l’auteur d’hypocrisie.

Hergé critique également de façon drôle et satirique l’industrie alimentaire du grand capitalisme.

Et oui, au final il tire un constat peu flatteur de la société américaine.  Il décrit un pays au final sans âme et sans histoire bâti sur la destruction d’un peuple. Il critique également le puritanisme et la corruption de cette utopie ultralibérale.

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Là ou certains y voient des « clichés offensants », je n’y vois personnellement qu’une critique satirique, juste et piquante de la société américaine (et non pas du peuple américain).

Tintin en Amérique est donc pour moi une très grande réussite. Les péripéties sont d’ailleurs beaucoup plus passionnantes que dans les précédents albums et suivent un cheminement plus logique. Les dessins sont de très bonne facture, mais seront là encore améliorés suite à la colorisation de 1946.

A noter qu’il est aussi possible que cet album marque la première apparition du personnage de Rastapopoulos lors d’un repas avec des personnalités. Le personnage présent sur la planche y ressemble énormément mais impossible de dire s’il s’agit clairement de Rastapopoulos.

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Au final, Tintin en Amérique est un nouveau petit chef d’œuvre d’Hergé et perso, je le considère même comme l’un de ses meilleurs albums et clairement comme l’un des plus profonds. Certes, il y’en aura toujours pour dire « C’est trop caricatural ». Et oui ! Tintin, comme Astérix par exemple, c’est de la caricature. Je terminerai donc sur cette phrase du brillant Paul-Eric Blanrue concernant cet album : « Vive Tintin et mort aux cons ! ». Pour finir, Tintin en Amérique est l’album de Tintin le plus vendu au monde.       

     

 

Note : 18/20

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Commentaires
V
à Vora: et ce n'est pas fini !
V
Et hop, relecture prévue très bientôt ! Vraiment très intéressant de redécouvrir les albums avec cet angle d'analyse très politique ^^
A
exactement c'est le mot qui convient
V
à Oliver: on pourrait presque dire satirique
A
oui clairement, il s'inscrit dans la logique de ses 2 prédécesseurs. Un portrait volontairement caricatural
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