Tintin au Congo
Catégorie : Bande dessinée
Genre : Aventure
Année : 1931 (noir et blanc) 1946 (couleur)
Nombre de pages : 62
Nation : Belgique
Auteur : Hergé
Synopsis : Le célèbre reporter Tintin et son fidèle compagnon Milou, sont envoyés pour au Congo pour y effectuer un reportage. Mais déjà sur le bateau qui les mène vers l’Afrique, ils doivent faire face à un bandit qui cherche à éliminer Tintin. Le voyage au Congo sera plein de péripéties, entre fusillades, guérillas de tribus africaines, chasse au lion, crocodile, léopard, éléphants…
Analyse critique :
(Attention SPOILERS)
Nous continuons donc notre cycle Tintin avec ce qui est sans doute l’album le plus polémique et controversé de toute la série. Nous sommes en 1931 et Hergé vient de connaître son premier grand succès avec Les Aventures de Tintin aux Pays des Soviets. L’année suivante donc, l’artiste belge récidive en décidant d’envoyer son héros dans le Congo (qui à l’époque est une colonie de la Belgique).
Tintin s’embarque alors dans une série d’aventures au Congo. Comme je le mentionnais plus haut, cet album est le plus controversé de tous. Pourtant à sa sortie, il connut un énorme succès. Ce n’est qu’après guerre lors de l’exportation internationale de Tintin, que les premières polémiques apparurent. Ainsi la version colorisée de Tintin au Congo sera largement censurée et édulcorée par rapport au support original en noir et blanc. La BD est en effet accusée de véhiculer des clichés racistes envers les africains et de prôner le colonialisme.
Suite à ces scandales, la maison Castermann décide de ne plus éditer cet album qui au début des années 60 devient quasiment introuvable. Cependant, Hergé fait pression pour que l’album soit de nouveau produit et dans les années 70, de nouvelles éditions sont remises en circulation.
Au début du XXIème siècle, cependant, les polémiques reprennent de plus belle et certaines associations cherchent même à faire interdire l’album. Cette interdiction ne sera pas obtenue mais dans beaucoup de librairies, Tintin au Congo sera déplacé au rayon « BD pour adultes ».
Que dire donc au sujet de ces polémiques ? Certes, Tintin au Congo entretient une vision colonialiste et véhicule des clichés peu flatteurs sur les africains. On peut aussi évoquer la façon de parler en « petit nègre », d’ailleurs à ce niveau là, la version couleur a été largement édulcorée par rapport à la première édition en noir et blanc. Mais personnellement, je refuse de cracher sur Tintin au Congo, car c’est un peu facile et malhonnête. Car dans le fond, Tintin au Congo appartient à son époque et n’était pas le seul à entretenir ces clichés sur l’Afrique. C’est pour ça que ça m’énerve toujours un peu les donneurs de leçons sur ce livre là. C’est très facile aujourd’hui, où on prône l’antiracisme partout et jusque dans les écoles, de crier au scandale. Mais s’ils étaient nés à l’époque, ces gens-là qui crachent sur l’album, auraient sans doute trouvé cela tout à fait normal. Etait-ce bien ou mal ? Là encore je ne vais pas répondre à cette question car c’est un peu facile de jouer les moralistes plus de 80 ans après la sortie de l’album. Et surtout de parler de la mentalité d’une époque différente qu’on n’a pas connue.
Ensuite, Tintin au Congo est-il un livre profondément raciste ? S’il véhicule une fois encore des clichés qui pourront éventuellement être jugés offensants envers les africains, je ne vois nulle part de haine raciale de la part d’Hergé. On y voit simplement un auteur qui, de son propre aveu par la suite, n’avait jamais été au Congo et s’était fié aux clichés colportés à l’époque. Mais le problème n’est pas là, il s’agit surtout et avant tout de caricatures. Et on peut rire de ces caricatures comme de n’importe quelles autres.
Une preuve qui devrait clouer le bec à tous les petits bobos donneurs de leçons, c’est le fait que Tintin est extrêmement populaire au Congo. Le premier fait qui en témoigne est lorsqu’en 1970 le magazine congolais « Zaïre », lancé par le président Mobutu, réclama la réédition de l’album qui avait à cette époque là disparu de la circulation. C’est ce fait notable dont on parle pourtant peu qui fut utilisé par Hergé comme argument de poids pour faire rééditer Tintin au Congo en Europe.
Je citerai également le témoignage d’Auguy Kakese, ce sculpteur congolais qui a fait fureur sur la toile. Ce dernier s’est spécialisé dans les sculptures de l’univers de Tintin: un business apparemment très lucratif au Congo. « Au Congo, on lit Tintin à la maison, on lit Tintin à L’école…On lit Tintin partout ! ». Selon lui, au Congo, Tintin est même en statue sur la voie publique. Des gens comme Auguy Kakese ou encore Michel Kitiwi Mwamba, propriétaire d’un établissement nommé « Chez Tintin » comprennent totalement les caricatures de l’album. « Quand on voit les caricatures sur les Blancs aujourd’hui, on ne peut pas dire non à celles sur les Noirs », déclare Michel.
En réalité la plupart des congolais connaissent et aiment Tintin.
De plus, ce n’est sans doute pas l’Afrique qui est ciblée ici mais bien à un moment donné l’impérialisme américain. Et c’est même assez logique de voir une vision colonialiste s’opposer à l’impérialisme. Ici, en l’occurrence, le méchant est le célèbre gangster de Chicago Al Capone.
Méchant qu’on ne voit jamais dans l’album mais dont on apprend qu’il est le chef d’une bande à laquelle se frotte Tintin et qui pille les richesses de l’Afrique, ici plus précisément des diamants.
On retrouve donc une critique de l’expansionnisme impérialiste américain. Ainsi après avoir critiqué l’internationale communiste dans Tintin au Pays des Soviets, Hergé critique logiquement l’internationale capitaliste.
On pourra aussi évoquer la chasse aux animaux qui a fait polémique notamment au début du XXIème siècle. Le Siècle de l’écologie, où il est choquant de voir des animaux tués mais pas des humains. Certes, dans Tintin au Congo, le jeune reporter massacre pas mal de bestiaux. Certains trouvent la scène avec les gazelles horrible, perso je la trouve amusante. Certes, Tintin tue souvent pour le goût de la chasse mais là encore il convient de resituer l’album dans son contexte de l’époque, où la culture et la mentalité était tout simplement différente.
Voilà donc grosso-modo concernant le fond de Tintin au Congo qui se veut avant tout une œuvre d’aventure marchant sur les pas de l’album précédent. A savoir une série de petites aventures se déroulant au Congo.
Sur le plan artistique, Tintin au Congo marque aussi une étape. Hergé peaufine son personnage et la silhouette de Tintin s’affine peu à peu. C’est également dans cet album que Tintin portera pour la première fois ses culottes de Golf soulignant encore davantage sa parenté avec le sulfureux Léon Degrelle. Mais surtout, Tintin au Congo sera réédité en couleur à partir de 1946 et il faut dire que cette réédition vaut le coup d’œil. Certaines planches sont vraiment très belles et l’artiste Hergé sait jouer avec les couleurs. Les dessins sont améliorés et beaucoup plus travaillés.
On notera aussi que c’est dans cet album qu’apparaissent pour la première fois Dupond et Dupont que l’on voit seulement sur un carré d’une planche. Cependant, cette affirmation n’est vraie qu’en se fiant aux versions colorisées puisqu’ils n’étaient pas dans la version originale en noir et blanc de 1931.
Tintin au Congo est donc une bonne BD d’aventure qui ne mérite clairement pas l’interdiction. Une fois encore l’album est très populaire au Congo et après Tintin en Amérique, c’est le second album de Tintin le plus vendu au monde, n’en déplaise aux bien-pensants donneurs de leçons.
Note : 15/20