Conversation Secrète

23 décembre 2014

Conversation Secrète

Catégorie : Cinéma

Genre : Thriller, Espionnage

Année : 1974

Public : Tous Publics

Durée : 1H49

Nation : USA

Réalisateur : Francis Ford Coppola

Acteurs : Gene Hackman, John Cazale, Allen Garfield, Cindy Williams, Harrison Ford, Robert Duvall

Synopsis : Harry Caul, homme de foi introverti, est un professionnel de l’espionnage et de la filature. Il travaille en particulier sur la surveillance de la foule à l’aide d’un micro à longue distance. Il est alors témoin de la conversation d’un couple qu’il enregistre. En la réécoutant, il réalise que le couple est en danger de mort. Le passé resurgit, il se souvient qu’une mission précédente avait coûté la vie à une famille. Caul se retrouve tiraillé entre son devoir et son sens moral.

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Conversation Secrète n’est pas forcément l’un des films les plus connus de Francis Ford Coppola. Cela dit, il jouit d’une certaine réputation, puisqu’il fut réalisé dans les années 70 (apogée de la carrière de Coppola) entre les deux épisodes du Parrain.

Resituons les choses dans leur contexte. En 1972 Coppola gagne la célébrité et la notoriété en mettant en scène Le Parrain, qui à l’époque devient le plus gros succès de l’histoire du cinéma. Cependant le réalisateur a toujours considéré son chef d’œuvre comme une commande commerciale. Ce film devait surtout constituer un tremplin pour sa carrière. Après cela, il compte donc mettre en chantier un projet qu’il a depuis longtemps : Conversation Secrète.

Il commença à travailler dessus dés 1966. Coppola était en effet fasciné par les nouveaux gadgets et instruments d’espionnage. Notamment les micros à longue distance pour surveiller les foules. Mais il fut aussi de son propre aveu, influencé par le film de Michelangelo Antonioni Blow-Up (sorti justement en 1966) qui narrait l’histoire d’un photographe qui pensait avoir été témoin d’un meurtre en prenant innocemment des photos.

Le réalisateur reprend donc le projet en 1974 au moment où il est le plus d’actualité. Il vient donc de faire Le Parrain avec la Paramount. Désormais il espère que cette dernière acceptera de financer son nouveau projet. Mais la Paramount n’est pas vraiment enchanté et pense plutôt travailler avec lui sur une suite du Parrain. Une suite que le réalisateur refuse catégoriquement dans un premier temps. Cependant il profite de l’occasion et accepte de réaliser Le Parrain 2 sous plusieurs conditions dont celle que la Paramount produise son nouveau projet. L’offre est acceptée. Conversation Secrète est donc tourné entre les deux épisodes du Parrain.

Conversation Secrète est bien le fruit des années 70 et de l’accumulation de mensonges d’Etats. Ce film est né de suite d’évènements tels que l’Assassinat de Kennedy en 1963 et l’affaire du Watergate en 1972. Ce courant qui donnera également naissance aux Hommes du Président d’Alan J. Pakula en 1976. Au début des années 70, le public américain n’a plus confiance en rien. Il est désillusionné et commence à prendre conscience des complots qui l’entourent. C’est dans ce climat tendu et « paranoïaque » diront certains, que se fait Conversation Secrète.

On ne retrouve donc plus du tout la même ambiance que Le Parrain et ici le budget est moins conséquent.

Coppola met en scène Harry Caul, spécialiste de l’espionnage et de l’écoute par micro à longue distance, qui croit voir un couple menacé de mort. Il va être alors pris dans un dilemme entre sa conscience et sa hiérarchie.

Pour la mise en scène du film, on est assez loin du Parrain. Premièrement ce nouveau film est presque l’inverse du précédent. Puisqu’on a ici un pauvre type sans familles, sans gloire et qui s’appelle Caul (qui en anglais désigne la membrane qui entoure le fœtus).

C’est sans doute pour cela que même dans leur réalisation les deux films sont au final assez opposés.

La réalisation de Coppola pour ce film s’inscrit davantage dans le Nouvel Hollywood. Une ambiance plus sale qui ramène aux côté obscur des grandes cités américaines.

Sa réalisation se veut très détaillée et quasi documentaire. En effet on a une description précise du boulot qu’occupe Caul. A travers sa caméra Coppola nous fait passer sa fascination pour tous ces instruments qui permettent d’écouter la vie de gens. A ce niveau là on a droit à beaucoup de réalisme et de crédibilité.

Ensuite, le réalisateur nous entraîne dans un thriller très tendu et joue constamment sur le suspense. Tout comme Caul, le spectateur est dans l’incertitude. Il ignore ce que sous entend la conversation du couple, qui ils sont, et par qui ou par quoi sont ils réellement menacés.

Coppola nous fait entrer dans la tête de son protagoniste principal et nous fait partager sa paranoïa. Ce procédé est assez intéressant car on constate le contraste énorme qu’il y’a entre la vie et les pensées de Caul et le monde qui l’entoure. C’est la « paranoïa » de Caul mélangé à l’insouciance de son entourage.

Le réalisateur nous fait par moment entrer dans une sorte de claustrophobie en nous plaçant dans la peau de son personnage principal enfermé dans sa camionnette ou son appartement, à écouter les conversations des autres.

Par moment sa réalisation évoque Hitchcock. Notamment pour le suspense mais aussi pour la scène du meurtre (qu’on ne voit pas) qui peut évoquer Psychose.

Coppola signe donc une réalisation différente de son film précédent mais très réussie sur le plan technique une fois de plus.

Mais Conversation Secrète s’appuie avant tout sur l’interprétation de son personnage principal qui est donc Harry Caul. Pour l’interpréter, le cinéaste a choisi Gene Hackman acteur très en vogue à l’époque. Hackman était plutôt habitué aux rôles de durs. Autant dire que dans ce film l’acteur est méconnaissable. Ayant laissé pousser la moustache pour l’occasion, Il se glisse admirablement bien dans la peau de Harry Caul, un homme de foi introverti, renfermé et fragilisé psychologiquement par son boulot. On voit un homme littéralement brisé par son travail et par la pression qu’il lui procure. Caul n’arrive plus à avoir des relations normales avec le monde extérieur. Gene Hackman livre une superbe prestation (une de ses meilleures à mes yeux). On retiendra notamment la scène finale, où le personnage pète les plombs en recherchant un micro dissimulé chez lui et détruit tout son appartement. Autant dire que le premier rôle est assuré. Harry Caul est très intéressant car il n’est pas un type bien dans sa peau (contrairement au personnage de Blow-Up) ou un héros (contrairement au personnage de Blow-Out), c‘est un type introverti maladroit qui n’a rien d’héroïque. Lorsqu’il aura l’occasion d’agir, il sera paralysé et ne fera rien. Cela rend le personnage beaucoup plus humain et réaliste sur bien des aspects.

Mais le reste du casting est également reluisant. John Cazale, avec qui Coppola avait travaillé sur le premier Parrain (et retravaillera sur le second), livre une très bonne performance. Cindy Williams se montre également à la hauteur. On notera aussi la présence d’Harrison Ford mais également l’apparition finale de Robert Duvall dans le rôle du directeur de Caul, qui est parfait comme d’habitude.

Avec ce nouveau film, Coppola signe donc une œuvre ambitieuse mais également plus personnelle. Personnelle, car il s’identifie au personnage de Caul qui, comme lui, fut dans son enfance paralysé par la polio. Là encore on peut y voir la métaphore de la paralysie du personnage face à la situation dans laquelle il est entraîné.

Une fois encore le film est représentatif du climat de l’époque, à savoir l’après Watergate.

Cependant Conversation Secrète (contrairement aux Hommes du Président), ne cherche pas vraiment la dimension politique. Coppola se concentre avant tout sur son personnage. Que ce soit au niveau de la description de son travail (qui une fois encore est très bien détaillée). Mais surtout au niveau psychologique. Le réalisateur analyse avant tout les conséquences morales d’un tel job sur un individu. Conversation Secrète ne doit donc pas être pris pour un film vraiment politique malgré son sujet mais plus comme un film psychanalytique. Toujours, Coppola s’intéresse à l’homme et à sa psychologie, plutôt qu’au débat politique, cette tendance qui lui vient sans doute de la Nouvelle Vague, se retrouvera dans toute sa carrière.

Conversation Secrète se revendique aussi clairement en tant qu’héritier de Blow-Up d’Antonioni que j’ai déjà cité. C’est un film sur les apparences. « Quand on a vu quelque chose une fois on a rien vu ». On croit être témoin de quelque chose mais au final on ne sait rien. Cependant ici contrairement à Blow-Up, il se passe quelque chose, mais ce n’est pas ce que Caul avait interprété. Coppola pousse donc plus loin le débat engendré par Antonioni.

Conversation Secrète est donc une nouvelle réussite du réalisateur. C’est l’un des films préférés de Brian De Palma qui s’en est clairement inspiré pour son Blow-Out en 1981. Il a également et probablement influencé le film La Vie des Autres de Florian Henckel Von Donnersmarck en 2006.

A sa sortie, Conversation Secrète obtiendra un bon succès, il sera nominé pour trois oscars, dont celui du meilleur film, en 1975, et recevra la Palme d’or au festival de Cannes de 1974.

Coppola confirme donc son statut de jeune premier d’Hollywood avec cet excellent Thriller d’espionnage psychanalytique.

Note : 17,5/20

Posté par Vince12 à 07:00 - Commentaires […] - Permalien [#]