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27 janvier 2016

Tintin et les Picaros

 

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Catégorie : Bande dessinée

Genre : Aventure

Année : 1976

Nombre de pages : 62

Nation : Belgique

Auteur : Hergé

Synopsis : Tintin et le Capitaine Haddock coulent des jours tranquilles à Moulinsart quand ils apprennent que La Castafiore et les Dupondt ont été emprisonnés lors d’un voyage au San Theodoros par les autorités gouvernementales du Général Tapioca. Le prétexte est une accusation de complot dont l’instigateur serait le capitaine Haddock. Ce dernier se défend vivement des attaques de Tapioca et accepte son invitation pour aller s’expliquer avec lui loyalement à Tapiocapolis. Tintin, le capitaine, Tournesol et Milou se rendent donc au San Theodoros ravagé par une guerre civile et à l’aube d’un grand carnaval. Mais ce voyage pourrait bien les mener dans un piège.   

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Huit ans ! Il s’est écoulé huit ans depuis l’album précédent qui était Vol 714 pour Sydney. On constate que plus l’œuvre d’Hergé avance, plus le temps qui sépare chaque album devient plus long. Tintin touche vers sa fin et s’apprête sans aucun doute à tirer sa révérence.

L’auteur est probablement de moins en moins inspiré. Cela dit, ce dernier album que constitue Tintin et les Picaros est intéressant sur plus d’un point. Mais surtout le temps qu’a mis Hergé à l’écrire est dû au fait que l’album initial, qui devait se dérouler juste après Les Bijoux de la Castafiore, était beaucoup plus sombre et politique. Si bien que les éditions ne suivirent par Hergé dans cette aventure et l’auteur dût édulcorer son histoire.   

Tintin part ici au San Theodoros (où il est déjà allé dans L’Oreille Cassée) pour y libérer ses amis les Dupondt et la Castafiore. On retrouve donc là un sentiment cher à Hergé : l’amitié, tout comme c‘était le cas pour Tintin au Tibet. Cela dit, dans sa quête, Tintin va devoir se joindre à son ami le Général Alcazar, chef des Picaros, un groupe de résistants qui lutte contre le dictateur qui dirige le pays : le Général Tapioca. C’est pour lui le seul moyen de sauver ses amis.  

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 Tintin et les Picaros s’impose avant tout comme l’album de la désillusion d’Hergé comme on va le voir. L’auteur a certes toujours porté un regard critique sur le monde et la société mais son message était toujours plein d’optimisme au final. Or avec Tintin et les Picaros, on sent un auteur qui n’y croit plus vraiment ou qui du moins cherche à faire réagir ses lecteurs. 

Pour parler en premier lieu de l’album en lui-même, on peut dire que les dessins sont superbes comme toujours et qu’Hergé a livré un très beau travail. On retiendra notamment les planches finales du Carnaval.

Le scénario est également bien géré et bien rythmé avec les doses d’humour, d’aventures et d’actions qui font le charme de l’univers de Tintin depuis toujours.

2

Au niveau des personnages, on retrouve nos héros habituels qui ont peut être légèrement changé.

Tintin a rangé au placard ses fameuses culottes de golf pour mettre un jean. Au début de la BD en mobylette on le voit même coiffé d’un casque avec le symbole « Peace and Love » des hippies. Hergé inscrit son héros dans le courant de l’époque mais avec, on le sent, un peu d’ironie. Tintin, tout comme Hergé a changé.

Concernant le capitaine Haddock, c’est également dans cet album que l’on découvre son prénom : Archibald.

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Outre les protagonistes principaux on retrouvera des personnages des épisodes précédents. C’est le cas pour le général Alcazar, toujours aussi franc tireur et expéditif. Mais également Ridgewell l’explorateur ayant rejoint la tribu Arumbaya et aussi Pablo.

Nous retrouverons également le Colonel Esponja de son vrai nom Sponsz, ancien chef de la police Bordure apparu dans L’Affaire Tournesol qui est désormais conseiller du général Alcazar et veut tout faire pour se venger de Tintin et de ses amis.       

Mais on va surtout et enfin découvrir le Général Tapioca, grand rival du Général Alcazar qui jusqu’à présent avait été seulement évoqué. Ici nous le découvrons enfin. C’est un Tyran autoritaire et jouissant de son pouvoir.

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Des personnages très intéressant, mais la richesse de ce nouvel album se situe avant tout dans son contenu et sa profondeur. Une fois de plus Hergé met en avant l’amitié qui va être le moteur de cet album. Mais il revient également à la critique politique qui se veut ici plus amère que jamais.

On a ici l’histoire d’une révolution dirigée contre le dictateur d’un pays d’Amérique du sud. Ce dictateur qui est soutenu par un ancien militaire de l’armée Bordure un pays de l’Europe de l’Est.

Hergé porte ici un regard critique sur les mouvements révolutionnaires en Amérique du Sud qui étaient devenus un terrain ouvert pour la guerre froide entre les USA et L’URSS. Ainsi, on a le portrait d’une société qui répond avant tout à des intérêts étrangers, comme c’était le cas par exemple pour le Chili dans les années 70, au moment ou fut rédigé l’album.

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Au final une révolution se met en marche mais elle est aussi soutenue par l’étranger et en l’occurrence l’occident représenté par Tintin, Haddock et Tournesol qui va être le membre important du groupe en créant un médicament contre l’alcoolisme. On peut voir à travers ce mouvement révolutionnaire la révolution de Castro à Cuba (d’ailleurs on peut noter la ressemblance entre les uniformes d’Alcazar et de Fidel).

Mais cette fois Tintin et Haddock bien qu’étant du côté de la révolution ne sont pas du bon côté. Car on va découvrir qu’à travers le personnage d’Alcazar, ils soutiennent un Tyran avide et tout aussi impitoyable que Tapioca.

Cette révolution n’était au final qu’une mascarade, on peut d’ailleurs voir cet aspect symboliquement souligné par le fait qu’elle a lieue pendant le carnaval et que nos révoltés sont déguisés en joyeux turlurons. Cela reflète l’aspect grotesque et grand-guignol de cette prétendue révolution.

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L’image que tout le monde a évidemment retenue et celle de la fin qui fait écho à une autre image plus tôt dans l’album. Cette première montre des miliciens de Tapioca marchant dans un Bidonville où la population meurt de faim avec en fond une pancarte « Viva Tapioca !». La dernière montre exactement la même scène avec des miliciens d’un autre uniforme et une pancarte « Viva Alcazar ! ». Sur cette image on voit l’avion qui ramène nos héros en Belgique avec en fond le capitaine déclarant : « Et bien, je ne serais pas fâché de me retrouver chez nous, à Moulinsart » alors que Tintin répond « Moi aussi capitaine ». On sent là une œuvre qui touche à sa fin. Nos héros repartent désillusionnés et sans doute découragés de voir où ont abouti leurs efforts. Ils ont libéré leurs amis certes, mais à quel prix !

On sent donc cette désillusion chez Hergé. Ainsi la révolution n’a rien changé et au final que ce soit un gouvernement de gauche ou de droite, la situation est bien la même. On peut avoir ici le cas de Cuba comme je l’évoquais plus haut mais également celui du Chili de Pinochet appuyé par les Chicago Boys. D’ailleurs la version originale prévue pour le San Théodoros peut le souligner, puisque Tintin et Haddock se retrouvaient enfermé dans un camp de concentration par le colonel Esponja. Par la suite ils se joignaient à une révolution d’indiens opprimés par le gouvernement.

villetapioca

Mais au final la révolution de Tintin avec Alcazar sera à l’image même de celles d’Amérique du Sud : une catastrophe enfonçant encore plus le pays dans la misère.

Sur le plan politique cet album est très intéressant. Comme le souligne à juste titre Olivier Matthieu : « Tout le monde s’accorde à dire que le ‘’message’’ des Picaros est ‘’ni droite ni gauche’’. Et ‘’Ni droite ni gauche’’, c‘est aussi le slogan des idéologies de Troisième Voie ».

Hergé reste donc fidèle à lui-même depuis toujours, mais on sent ici davantage d’amertume et d’illusions perdues. Le monde dans les années 70 sombre littéralement dans l’ère moderne cosmopolite et matérialiste sans âme et face à cela Hergé, tout comme Tintin, préfère partir vivre du côté de Moulinsart pour y terminer des jours tranquilles.

7

Tintin et les Picaros est donc une bonne conclusion, même si nous aurons l’occasion d’en reparler, il n’était pas censé être le dernier Tintin.

Quoiqu’il en soit ça reste une belle conclusion malgré le sentiment d’amertume qui s’en dégage.               

 

Note : 16,5/20

   

 

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Commentaires
V
à Vora: cette réplique de Tournesol ne figure pas en effet dans la BD, elle est exclusivement dans le dessin animé. Effectivement c'était un trait bien vu au final.
V
Je me rappelle de la version animée, qui concluait assez fidèlement dans cet esprit avec cet échange de réplique ("pas fâché de rentrer à Moulinsart !" "Moi aussi capitaine), suivi par Tournesol qui ajoutait "moi aussi, mais avec un peu de moutarde.") Un petit trait d'esprit supplémentaire qui nous ferait prendre les paroles de tournesol un peu plus au sérieux, il est peut être moins sourd qu'il ne le laisse voir ^^
V
à Inthemood: Il y'a un dessin animé intitulé Le Lac aux requins en effet. Il a par la suite donné naissance à une BD. Je n'ai cependant pas prévu d'en parler. Le cycle Tintin (déjà long) verra sa dernière chronique Lundi
I
J'avoue que j'ai très peu de souvenirs de cet album. <br /> <br /> à vince: il y avait aussi un dessin animé (et peut être une BD) intitulé Tintin et le lac des requins (ou aux requins). Compte tu en parler?
V
Clairement, au final rien ne changera au San Theodoros. Cet album marque vraiment la désillusion d'Hergé
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