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6 mai 2016

Mort à Crédit

 

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Catégorie : Littérature

Genre : Roman, Drame

Année : 1936

Nombre de pages : 616

Nation : France

Auteur : Louis Ferdinand Céline

Synopsis : L’enfance du jeune Ferdinand qui vit à la boutique de ses parents. Peu chanceux dans la vie, il s’attire régulièrement les foudres de ces derniers. L’histoire de ses premiers bouleaux alors qu’il est encore tout jeune, son envoi dans une pension en Angleterre, son retour en France et le drame de sa famille.

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Continuation de notre cycle Céline avec le second livre le plus culte de l’auteur, j’ai nommé Mort à Crédit écrit en 1936.

Quatre ans auparavant, Céline s’était fait connaître et avait triomphé avec son roman Voyage au Bout de la Nuit qui avait littéralement changer le paysage littéraire. 

Un génie avait éclaté et il était donc logique de le voir persévérer dans cette voie. Bien vite, il décide alors de rédiger un nouveau roman intitulé « Tout Doucement ». Le but étant d’évoquer son enfance de façon romanesque. Immédiatement, il a l’idée de faire suivre ce roman d’un second volet intitulé « Chanson Morte ». Au final, il liera ces deux écrits dans un seul et même ouvrage qu’il baptise : « Mort à Crédit » et qui est donc divisé en deux parties respectives.

1

Ce nouvel ouvrage s’inscrit dans la droite lignée du premier. Bien que le personnage ne soit pas identifié comme étant Bardamu, il s’appelle lui aussi Ferdinand (qui est également le nom de Céline). Il est également médecin et exerce dans un petit quartier. Désillusionné, il est écœuré par l’humanité. Pris d’une terrible fièvre qui le fait délirer, il se remémore ses souvenirs d’enfance. 

La boutique de ses parents, ses études, ses premiers boulots et ses premiers échecs. La relation avec son père et sa mère et son envoi en pension en Angleterre.

Ainsi se compose la première partie.

2

La seconde aborde le retour en France, les premières expériences sexuelles, sa relation avec son oncle et surtout son travail chez un éditeur rêveur et pathétique.

L’histoire de Mort à Crédit et donc sur l’enfance et la jeunesse. Pourtant, contrairement à ce qu’inspire ces dernières, tout est ici sombre et sans espoirs.

Tout comme pour Voyage au Bout de la Nuit, Céline rédige un ouvrage à mi chemin entre le roman et l’autobiographie. Tout est une fois encore raconté à la première personne, dans un style similaire à celui du Voyage au Bout de la Nuit. Mais ici, le style Céline explose littéralement. La syntaxe est à la fois anarchique et fluide. Le ton très poussé et le débit brutal. L’utilisation régulière de points de suspension, la ponctuation très soutenue : tout cela donne véritablement vie aux phrases de Mort à Crédit.

3

Mais on retrouvera également cet argot si particulier qui est également l’une des marques de fabrique de Céline. On se demande même où il est allé chercher des mots pareils !

Avec Mort à Crédit, le style Céline atteint tout simplement sa quintessence ! C’est encore plus travaillé et réussi que Voyage au Bout de la Nuit, c’est dire ! L’auteur a poussé à l’extrême son incroyable talent !

Mais Mort à Crédit est surtout une claque monumentale par son contenu et son message qu’il nous délivre en pleine face.

4

Céline nous dresse ici le portrait d’une société sans âme et déshumanisée.

L’histoire se déroule à la « Belle Epoque » (fin du XIXème Siècle et début du XXème), marquée par les « progrès » sociaux, économiques et technologique. Pourtant Céline nous montre l’envers du décor : une classe moyenne perdante, misérable et endettée jusqu’au cou, tentant de survivre. Le ton est donc très sombre et la narration désillusionnée.

Mais la seconde partie est encore plus trash et on atteint un degré incroyable de cynisme marquant un constat sur la société moderne démocrate. Les personnages de Mort à Crédit ressemble à une  nuée de créatures se débattant sans cesse pour tenter se survivre. Dans ce monde cruel, certains nourrissent encore rêves et ambitions, ce qui les rend d’autant plus pathétiques dans ce roman.

5

Seul le personnage de l’Oncle est positif ici. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la Première Partie termine par « oui, mon oncle » et la seconde et dernière par « non, mon oncle ». L’oncle sera la seule figure bienveillante du récit.

Céline dévoile ici sa vision profondément noire de l’humanité qu’on lui connaît. Dans ce livre, la vie des humains n’a plus aucun sens. Tous semblent endettés envers la vie qui leur fait payer en abattant sur eux toutes les misères et malheurs du monde dont seul la mort les délivrera. D’où le titre profondément cynique « Mort à Crédit ».

On ne ressort donc pas d’une telle lecture indemne, Céline sait frapper fort ! On y retrouve ici peut être plus que dans aucun autre livre son style, sa philosophie et sa vision de la vie.  

 

6

Une fois de plus, l’auteur a signé un chef d’œuvre.

Pourtant si le livre s’est bien vendu à sa sortie, il faut avouer que ça n’a pas été le succès attendu. Il fut d’ailleurs vivement critiqué aussi bien par la gauche que la droite qui trouvaient le fond trop « nihiliste » et le style trop chaotique. Cela dit, il faut aussi resituer les choses dans leur contexte. A l’époque, la France (et même l’Europe) était en ébullition sur le plan politique et les gens s’intéressaient moins aux romans qu’aux pamphlets ou aux essais philosophiques ou politiques. Mort à Crédit avec son côté « roman sombre » n’était donc pas dans l’air du temps.

Céline sera quelque peu blessé par cet accueil. De plus, l’édition lui avait déjà imposé des coupes dans son récit. 

7

Pourtant, avec le temps, Mort à Crédit est devenu un grand classique de la littérature et le second chef d’œuvre le plus cité de Céline après Le Voyage au Bout de la Nuit.

Deuxième livre et deuxième monument de la littérature. Du génie pur ! Un joyau de la littérature française.

 

Note : 20/20

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Commentaires
V
Une fois encore, je ne vois pas en quoi écrire fut un grand acte de collaboration. Hergé a écrit pour Le Soir qui était collabo. C'est vrai, mais à côté il a probablement aidé beaucoup de gens à s'évader (je parle de l'esprit) de la guerre qui était en cours. <br /> <br /> Céline a rédigé sous la collaboration. Oui il a eu des propos antijuifs, il en avait eu avant la guerre, il n'a pas attendu le régime de Vichy pour le faire contrairement à d'autres. Il a continué son activité sous ce régime là. mais une fois encore non ! Les paroles ne sont pas des actes, sinon c’est la porte ouverte à toutes les restrictions. De toute façon, pour ce qui est de ce débat, je ne pense pas que ce soit l'article adéquat. On aura l'occasion d'en reparler sur la suite. <br /> <br /> <br /> <br /> PS: Le lien que tu m'as donné est malheureusement mort, je vais tenter de retrouver la photo.
V
Quand je parle d'opportunisme je fais référence à ta phrase : "réédite au plus fort de l'antisémitisme pétainiste ses textes les plus virulents… C'est bien un acte politique, non ?". D'où ma réponse. <br /> <br /> Pour Bagatelles c'est un texte de libre penseur clairement, il n'y a rien d'opportuniste.<br /> <br /> "Ah non ! Il a été le premier à prendre la place de ses confrères juifs qui partaient en camp"<br /> <br /> J'ai pas compris le sens de ta phrase.<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite tu évoque une fois encore des "soupçons" parfois infondés. Il a rédigé pour des revues collaborationnistes certes, mais combien d'autres l'ont fait ? A t'il réalisé des actions concrètes ? Rien de concret, à part le fait qu'il ait écrit des articles pour un tel et qu'il est soupçonné d'avoir écrit des articles pour un autre.<br /> <br /> <br /> <br /> Céline n'a pas non plus occupé de fonction officielles administratives comme d'autres. Il a côtoyé des milieux collaborationnistes comme sans doute beaucoup de français. <br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, pour la photo que tu évoques, ne fais-tu pas plutôt référence à la photo de 1938 à Montréal ? Sinon je ne connais celle dont tu parles.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ajouterai également que Céline était ami avec des résistants, entre autres Jacques Moulet dont il a contribué à la libération en 1941 (on pourra me rétorquer que cela sous-entend qu'il avait des connaissances dans l'administration collaborationniste).<br /> <br /> <br /> <br /> Cela dit ! N'oublions pas également que le Danemark a pendant longtemps refusé son extradition du fait que le dossier d'accusation reposait sur peu d’éléments. Au final, à son retour Céline n'écope que d'un an de prison et il en sortira au bout de seulement quelques mois. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce n’est pas vraiment là l'image du "grand collaborateur". Je pense que cet image naît évidemment de son antijudaïsme acharné. Mais, j'avais également lu une analyse intéressante qui rappelait que le CNE (comité national des écrivains) qui dressa la liste des écrivains et artistes dit "collabos" sur laquelle figurait Céline, était dirigé par Louis Aragon, le célèbre écrivain et poète communiste. Or, tu as lu Bagatelles et sans doute aussi Mea Culpa. Les communistes avaient un compte à régler avec Céline. Pour finir, rappelons nous que de nombreux artistes furent d'abord accusé avant qu'on ne réalise qu'il n'avaient eu aucun faits réels de collaboration (Guitry, Hergé, Arletty, de Montherlant pour ne citer qu'eux). Souvent c'était par jalousie de leur talents, ou alors des ennemis voulant se venger d'eux, or des ennemis Céline devait en avoir beaucoup.
V
à Hdef: Je pensais que c'était clair. Je voulais surtout marquer le décalage entre la vision officielle de l'époque et ce que décrit le livre de Céline. Les guillemets marquaient plutôt un paradoxe. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour la réaction de Céline quant à la mauvaise réception, je me méfie des interprétations de certains qui ont recours à la psychanalyse pour trouver une relation de cause à effet. Aurait-il continuer à écrire s'il avait été à ce point traumatisé ? Ce que je trouve "un peu léger" c'est d'attribuer l'antisémitisme de Céline aux réactions des critiques. <br /> <br /> La phrase que tu cites m'encourage plutôt à penser qu'à partir de ce moment il se moquait pas de ce qu'en dirait la critique. cela s'est d'ailleurs confirmé quand on lit ce qu'il a écrit ensuite.
H
Très bonne chronique ! "L’histoire se déroule à la « Belle Epoque » (fin du XIXème Siècle et début du XXème), marquée par les « progrès » sociaux, économiques et technologique." Pourquoi avoir mis "progrès" entre guillemets ? La grève tolérée en 1864, la protection contre les accidents du travail (1884), le travail des enfants en 1900, l'hygiène du travail, les vaccins, les journaux, l'information, l'école, ce sont quand même des progrès, il faut rester rationnel (et sur ce point je suis davantage Péguy, tout en me régalant bien sûr des invectives de Céline !). Sinon je te trouve un peu léger quand tu dis "Céline sera quelque peu blessé par cet accueil.". IL SERA TRAUMATISE ! Yves Buin, dans sa biographie, pense même que c'est de là en partie que vient son antisémitisme (beaucoup de critiques qui l'attaquaient étaient juifs). Il ne lira plus jamais les critiques et, tu as lu "Bagatelles pour un massacre" comme moi, tu sais qu'il y écrit "A partir d'aujourd'hui, le seul critique de moi-même, c'est moi et ça suffit !".
A
A ma grande honte, je dois avouer que je n'ai toujours pas lu ce "joyau" de la littérature française. De Céline, je n'ai lu que Voyage au bout de la nuit.
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