Cocorico !

Catégorie : Spectacle

Genre : Humour

Année : 2002

Public : Tous Publics

Durée : 1H41

Nation : France

Mise en Scène: Dieudonné M’Bala M’Bala

Interprète : Dieudonné M’Bala M’Bala

Sujet : Dieudonné est au cœur des polémiques et controverses depuis son dernier spectacle Pardon Judas. Mais les choses s’enveniment encore davantage avec ses engagements en politiques. Il se présente notamment à Dreux contre le Front National et pense entamer une campagne pour les présidentielles de 2002. Divers personnages, tous différents et issues de milieux divers évoquent le cas de l’élection de Dieudonné et la société française. 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS!)

Continuation de notre cycle Dieudonné avec un spectacle piquant : Cocorico !.

Nous sommes donc en 2002, deux ans après Pardon Judas qui malgré son très grand succès avait déclenché quelques polémiques. Il faut dire que Dieudonné s’attaquait à un sujet sensible : la religion.

Depuis lors, Dieudonné a enchaîné pas mal de polémiques qui lui ont valu quelques ennuis. L’artiste est accusé par certains d’être raciste anti-blancs et anticatholique. En 1997, il avait déjà fait parler de lui en se présentant contre le Front National qu’il décrit comme un « cancer» et traita même son président Jean Marie Le Pen de « Grand Marabou Borgne ». Le combat entre Dieudonné et le Front national remonte à 1995 suite à l’affaire Ibrahim Ali, meurtre d’un jeune franco-comorien par un militant du Front National.

Mais Dieudonné est encore plus virulent en 2002. Particulièrement sensible aux problèmes de logements, il projette de créer « Les Toits du Cœur » une association faisant évidemment écho aux « Restos du Cœur ». Mais surtout, il va même jusqu’à faire campagne pour les élections présidentielles de 2002 en se rapprochant de l’extrême gauche et notamment des « Verts ». L’artiste est donc dans le cœur médiatique et se montre très engagé sur la politique. Son ancien comparse Elie Semoun le décrit même comme en train de devenir « un Le Pen de Gauche ». Pour d’autres il incarne une sorte de « nouveau Coluche ».

Mais sa plus grosse polémique concerne ses propos sur les Attentats du 11 septembre. En effet, il déclare « je préfère le charisme de Ben Laden à celui de George Bush. Bush incarne le mal absolu, il serait capable de faire sauter ses propres tours pour gagner du pétrole ». Ce sera d’ailleurs la première fois de sa carrière qu’il sera traduit en justice pour « Apologie du terrorisme ». Il sera cependant relaxé.

Dieudonné ne se fait donc pas que des amis et commence à rentrer dans les polémiques. Mais qu’en est-il vraiment ? Au final l’artiste offre peut être la meilleure des réponses avec ce nouveau spectacle intitulé donc Cocorico !.

Un nom qui fait évidemment référence à la France gaulliste ou même gauloise si l’on peut dire.  

Ce spectacle doit donc être une bombe à la hauteur des polémiques au final. L’artiste travaille déjà bien son affiche. Pour ce masque qui peint son visage, il a fait appel au très grand artiste Olivier de Sagazan, dont nous avons d’ailleurs abordé le travail sur ce blog. La banderole qui l’orne fait quant à elle référence à sa campagne politique pour les présidentielles.

Car c’est autour de cet évènement que va tourner le spectacle. Ce sera même le fil conducteur. C’est d’ailleurs à ce niveau que le spectacle a perdu rapidement un poil d’intérêt, puisque Dieudonné abandonnera sa campagne assez vite après avoir subi des pressions. Certains accuseront cependant l’humoriste d’avoir surtout voulu faire un coup de pub pour son prochain spectacle (ce qui n’est peut être pas complètement faux). Il faut pour autant rappeler que sur les français interrogés 31 % s’étaient dit prêt à voter pour lui.  

Tout commence alors par Dieudonné lui-même en tant qu’artiste. Cette introduction, reprend donc plus ou moins le même principe que celle de Pardon Judas tout en étant complètement différente. Dieudo met dans le bain en évoquant ses déboires politiques.

Puis vient le sketch du régisseur. Un des plus cultes de l’humoriste. Ce sketch reprend au final quelque peu le principe de l’introduction du spectacle Elie et Dieudonné en Garde à Vue. Mais ici l’humoriste va plus loin et s’en donne à cœur joie en jouant ce personnage haut et en couleur qui nous donne sa vision de la société française. On retiendra surtout les propos sur les noirs. Notre personnage racontant son horreur lorsque son fils lui a ramené une noire à la maison. Bref la communauté noire se fait tacler à travers ce personnage, en même temps que les français blancs pleins de préjugés. L’humoriste va d’ailleurs très loin tout en restant très drôle.

Puis vient « le Journaliste » venu couvrir l’évènement de la campagne de Dieudonné. Un sketch là encore hilarant dans lequel Dieudonné critique avec génie le journalisme télévisé. Il interprète un reporter arrogant, hystérique, hautain et détestable. C’est à se pisser dessus ! C’est d’ailleurs dans ce sketch là et à travers ce personnage que naît le récurent et mythique « Ferme-la !» de l’humoriste. Avec également les « tais-toi ! Ne répond pas, ne cherche pas à discuter avec moi ! Non mais c’est pas un dialogue, Ferme-la physiquement ! » Il y’a d’ailleurs une autre citation mythique et brillante dans ce sketch c’est lorsqu’il dit « Mais la réalité mon pauvre, mais tout le monde s’en fout de votre réalité. Si la réalité intéressait les gens, les gens éteindraient leur télé et regarderaient par la fenêtre ». Plus que critiquer le journalisme, Dieudonné dénonce la façon qu’ont les medias à mettre littéralement en scène l’information pour nous servir leur propagande.

Arrive ensuite « l’Avocat », à travers lequel l’humoriste s’en prend pas mal à la justice et la corruption qui y règne.

Puis vient « le Laveur de pare brise ». Un franco-maghrébin qui lave les vitres de force des passants.

« Le Gendarme » avec un bel accent du sud qui est venu assurer la sécurité de la campagne de Dieudonné. Lui aussi donne son avis sur la société française, sur la banlieue et l’insécurité.

Puis arrive le sketch de « L’enseignante » qui est peut être le meilleur du spectacle. Dieudo incarne donc un personnage féminin et en l’occurrence une institutrice qui travaille dans une école de banlieue et qui assure que chaque jour est une lutte pour la survie. Le tout est évidemment tourné de façon très comique tout en évoquant le problème des écoles de banlieue.  

Puis pour finir vient « Le gardien de prison » qui discute avec deux de ses prisonniers. Ce sketch est très intéressant car il rassemble trois personnages : un français banc, un maghrébin et un noir, tous trois imités avec brio par l’humoriste.

Ainsi se conclut ce spectacle drôle et piquant.

Sur la mise en scène qui est gérée par l’artiste lui-même, c’est comme d’habitude du bon boulot. Simple mais efficace avec beaucoup de recours aux costumes. Le tout fonctionne à merveille et le rythme du spectacle est très bien géré comme toujours.

Dieudonné est évidemment mythique, on sent que l’artiste a du métier et connaît son registre et sa galerie de personnages sur le bout des doigts. Il a toujours autant de talent en tant que show-man.

L’écriture est comme toujours remarquable. Chaque vanne et chaque phrase sont vraiment bien trouvées. Mais en même tant, il y’a ce côté vraiment naturel chez Dieudonné qui donne l’impression que tout est de l’impro (ce qui n’est évidemment pas le cas).

On saluera aussi la petite prestation de Jacky Sigaux le régisseur de Dieudonné qui joue donc son propre rôle, de même que celle de Brigitte Tanguy.

Cocorico ! est donc un spectacle assez piquant comme je le disais où au final, comme d’habitude chez Dieudonné, tout le monde se prend sa claque (l’humoriste y compris, puisqu’une fois encore le fil conducteur est sa campagne pour les présidentielles).

Alors que Pardon Judas s’attaquait aux religions, ici on est plus dans le domaine du social. Et au final donc, Cocorico ! apparaît comme plus subversif que Pardon Judas. C’est peut être même le premier spectacle réellement subversif de Dieudonné.     

Après avoir présenté ce spectacle, je propose de revenir sur les polémiques qui entouraient l’humoriste à cette époque et que j’ai évoquées plus haut. Dieudo était accusé d’être un raciste anti-blanc. L’humoriste rappellera devant le tribunal que sa mère est blanche et que personnellement il ne fait pas de distinction entre les races. De même qu’étant profondément athée, il critique la religion en général. C’est d’ailleurs à partir de ce moment là qu’on peut déjà voir la trajectoire de Dieudonné qui se qualifie comme un anticommunautariste qui « refuse de voir dans le regard de l’autre, autre chose qu’un être humain ».

Par ailleurs son talent l’emportera sur les polémiques. Puisqu’après avoir été retranché dans le petit théâtre de la Main D’or pour Pardon Judas, il jouera celui-ci à Bobino. Il sera également invité à l’émission de Laurent Ruquier « On a tout essayé » où il recevra une multitude de louanges pour ce dernier spectacle. Cette année là, il jouera même dans le film populaire à succès d’Alain Chabat Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. J’insiste sur cette image d’humoriste populaire encensé par la Presse et les médias car elle sera importante pour la suite.      

Cependant Dieudonné ne se fera pas non plus que des amis et recevra pas mal de lettre d’insultes et de menaces venant pour la plupart de français traditionnalistes. Mais comme toujours, l’artiste réagira avec humour en éditant ces lettres en livre, qu’il fera illustrer par Tignous le dessinateur de Charlie Hebdo.  Un livre hilarant dont la lecture de certains passages provoquera quelques fous rires dans l’émission d’Ardisson.

Cocorico ! est donc une nouvelle réussite de l’humoriste qui va encore plus loin qu’auparavant.

Un spectacle très drôle, jouissif, satirique, critique, piquant et également juste dans le fond.

 Note : 16/20