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2 septembre 2015

Irréversible

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Drame

Année : 2002

Public : Interdit aux moins de 16 ans

Durée : 1H39

Nation : France

Réalisateur : Gaspar Noé

Acteurs : Monica Bellucci, Vincent Cassel, Albert Dupontel, Philippe Nahon, Jo Prestia, Jean Louis Costes.

Synopsis : Rentrant seule d’une soirée, une jeune femme est victime d’une agression qui vire au viol. Marcus, son petit ami, ivre de rage, décide de retrouver le responsable. Il est accompagné de Pierre qui tente de le raisonner. Ensemble ils errent avec les caïds du quartier pour trouver le violeur qui serait réfugié dans une boîte gay sado-maso. L’irréparable se produit.  

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Aujourd’hui nous abordons ce qui est sans aucun doute le film le plus culte de Gaspar Noé, J’ai nommé Irréversible. Une œuvre choc qui déclencha un petit scandale lors de sa sortie au Festival de Cannes en 2002.

Depuis, Irréversible est devenue un film phare du cinéma français et a rencontré un certain succès, notamment grâce à son casting mélangé au côté sulfureux du film. Mais Irréversible s’est aussi imposé comme un drame expérimental vraiment à part dans l’histoire du cinéma. Mais comment est né un tel film ?

Nous sommes donc au début des années 2000. Dans les années 90, Gaspar Noé s’est fait remarqué dans les milieux un peu undergrounds. Son cinéma radical s’était illustré par deux films : Carne et Seul Contre Tous. Noé avait mis tout ce qu’il avait dans le dernier film qui fut comme prévu un échec commercial vu son calibre et son propos.

 

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Il était alors endetté jusqu’au cou. De plus, le cinéaste continuait à travailler sur le plan artistique. En ce début de second millénaire, il souhaite réaliser un de ses vieux rêves. Faire un film intitulé « Soudain Le Vide » et qui serait basé sur Le Livre des Morts Tibétains et qu’il veut tourner au Japon. Seulement un tel projet nécessite beaucoup d’argent et Noé n’en a pas.

Il a donc besoin de se remplir les poches rapidement. Le réalisateur tourne donc des clips et des pubs, mais cela ne suffit pas, il lui faut un projet de secours. Il rédige alors une « petite histoire sentimentalo-porno » pour le citer, qu’il veut mettre en scène et autoproduire. En 2001 il rencontre Vincent Cassel et lui fait part de ce projet. Cassel veut lire le scénario avec sa femme Monica Bellucci. Pour Noé ça peut devenir du pain béni, un film érotique avec le couple glamour Cassel/Bellucci en tête de liste. De plus les producteurs Richard Grandpierre et Christophe Rossignon sont intéressés et commencent déjà à chercher un financement. Une réunion doit avoir lieue. Mais entre-temps, le couple Cassel-Bellucci se désiste et affirme ne plus être intéressé par le projet. Pour Noé, c’est un coup dur, mais il s’accroche, l’occasion est trop bonne pour la laisser filer. Il propose alors à Cassel et Bellucci de faire un autre film. Mais quel film ? Car les producteurs veulent une scène de sexe explicite. Noé a alors une idée, un « Rape et Revenge » soit une histoire de viol et de vengeance. Un sous genre qui fut très prolifique aux Etats Unis dans les années 70 et notamment dans le cinéma d’exploitation. De plus le réalisateur rêvait de filmer une scène de viol marquante en plan-séquence. Il se moque que le film soit à moitié raté, le but est de faire de l’argent et de s’entraîner pour « Soudain le Vide ».

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Les producteurs sont séduits et sont prêt à mettre un budget conséquent. Le projet se lance alors avec quasiment rien mais comme le dit Noé : « Il n’y avait rien d’écrit hormis Cassel, Bellucci et Dupontel au générique, et ma réputation de réalisateur sulfureux. Ça suffisait ».

C’est ainsi que naît Irréversible. Ce qui devait être à la base un film pour bouffer à la fin du mois deviendra en fait un petit chef d’œuvre expérimental et dramatique qui va marquer le cinéma français.

Dans un premier temps, évoquons la réalisation. Ou parlons même directement du montage, car l’originalité première d’Irréversible, c’est sa structure. En effet, le film est raconté à l’envers, donc de la fin au début. Nous le verrons plus tard, mais cette structure n’est pas un simple effet de style à la Tarantino, elle est l’essence même du film.

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Premièrement on est happé par le climat et l’atmosphère glauque du film, dés la première image. On nous place donc dans une situation de malaise. Un sentiment qui est d’ailleurs entretenu par les mouvements de caméra vertigineux qui partent dans tous les sens. La caméra plane, vrille à tel point que certaines scènes deviennent chaotiques et illisibles. En fait, Noé répercute le malaise de la situation sur sa façon de filmer. Cela donne du vertige au spectateur et crée vraiment une sensation étrange sur le début et c’est vraiment oppressant. Cela peut cependant être agaçant, mais plus le film avance, plus la caméra se stabilise et va même, sur la scène la plus choc du film, devenir littéralement immobile. Cependant Noé ne renoncera pas à certains mouvements vertigineux qui serviront plus ou moins d’intermède entre les séquences. Irréversible est donc un film très bien foutu et manié d’une main de maître. On est bien dans un cinéma expérimental qui a l’intention de faire vivre au spectateur une vraie expérience métaphysique et émotionnelle. Et le pari est totalement réussi. On plonge littéralement dans Irréversible comme dans un mauvais trip, ou un cauchemar qui termine en rêve. Un effet très particulier sur lequel nous reviendrons.

Mais pour le coup, on comprend bien que Noé ne mentait pas quand il disait qu’Irréversible lui servait à préparer son projet « Soudain le Vide ».

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Au niveau du visuel on retrouve l’esthétique typique du cinéaste. C’est à dire que même si vous rentrez dans la salle sans rien savoir de ce que vous allez voir, vous savez dés la première image, que dis-je ! Dés le générique du début (qui est en effet le générique de fin défilant à l’envers, puisqu’une fois encore Irréversible va de la fin au début) vous savez que vous êtes dans un film de Gaspar Noé. Il y’a cette esthétique ténébreuse avec ce rouge sordide qu’on trouvait déjà dans les deux films précédents. Mais ici c’est encore plus intensifié pour atteindre des sommets de glauque et de noirceur. Mais pour jouer sur l’esthétique, Noé est très bon, car le film s’éclaircit peu à peu pour devenir même lumineux et finir dans une esthétique bienveillante. Le vert de la pelouse sur laquelle est étendue Monica Bellucci à la fin du film. Bref là encore Noé montre une très grande maîtrise.

Mais quand on parle d’Irréversible, on évoque souvent la violence du film. Cette violence se traduit à mes yeux dans tout le climat glauque, sordide et malsain de la première partie, mais bien évidemment aussi par deux scènes véritablement éprouvantes.

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La première est celle du meurtre du présumé violeur (qui n’est en fait pas le coupable donc). Meurtre commis par un Dupontel taré qui réduit en bouillie la gueule de son ennemi à coup d’extincteur. Beaucoup ont parlé de cette scène comme l’une des pires du cinéma français. Personnellement ce qui me marque le plus dans cette scène ce n’est pas le côté explicite de la violence. Même si les effets spéciaux sont plutôt bien foutus, on voit tout de même que le visage écrasé à la fin n’est pas réel. Ce qui me marque le plus dans cette séquence, c’est une fois encore l’ambiance. Mais la séquence devient également marquante à la révision du film, quand on voit le genre de mec qu’était le personnage de Dupontel avant ce drame et qu’on le découvre se transformer en véritable psychopathe.   

Mais la scène la plus marquante selon moi (et beaucoup de personnes d’ailleurs), c’est bien évidemment la scène du viol. Cette séquence a beaucoup choqué, car elle est filmée en tant réel. Elle s’étire donc entre dix minutes et un quart d’heure. Ce qui est très long et insoutenable pour beaucoup. Ce qui frappe là encore, outre la longueur, c’est l’atmosphère de la scène, mais aussi et beaucoup le réalisme. C‘est remarquablement simulé et d’une crédibilité terrifiante. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu une séquence de viol aussi réaliste dans l’histoire du cinéma. De plus, notre agresseur ne s’arrête pas là, puisqu’il humilie par la suite la jeune femme avant de la tabasser et de la défigurer. C’est donc hyper cru et hyper violent. Certes, on pourra se demander quel est l’intérêt de montrer une scène de viol pendant un quart d’heure. Je n’en sais rien, et je ne parviens pas vraiment à trouver de justification à cela, mais en même temps je n’arrive pas à blâmer Noé. Car au fond, je n’ai pas ressenti de complaisance dans sa réalisation sur cette scène. Son point de vue est incroyablement neutre et c’est pour cela que la scène est montrée en temps réel. C’est cette même neutralité qu’on pouvait trouver chez Pasolini dans Salò et c’est ce même aspect « temps réel » qu’on trouvait également dans Schizophrenia de Gerald Kargl. Ce sont d’ailleurs deux films vénérés par Noé.

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La violence d’Irréversible n’est donc pas le gros du film contrairement à ce qu’en dise certains. Elle est en fait essentielle pour le côté radical de l’œuvre et son cheminement. Car, en contre pied de cette violence, va venir la beauté des séquences de la seconde partie. Des séquences pleines de vie et d’émotions.

Une fois encore, Noé frappe fort mais juste

Evoquons maintenant la BO du film. Elle se compose de plusieurs variantes. On a du son de la culture populaire. Notamment de l’électro. On a aussi de la musique classique (du Beethoven). De la chanson française avec « Tu me fais tourner la tête » version Daho. Mais il faut aussi savoir que la BO a été en partie dirigée par Thomas Bangalter, le célèbre membre des Daft Punks. Il s’est notamment chargé de la musique, si on peut appeler ça une musique, du « Rectum ». Ce son qui s’apparente à une alarme grave et tétanisante. Il paraît que lors de la projection à Cannes, la sonorité était réglée de façon à faire vibrer les tripes des spectateurs. 

 

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Venons-en au casting.

Vincent Cassel interprète donc le rôle de Marcus, le petit ami ivre de vengeance. Il s’en sort très bien et est véritablement hallucinant dans certaines séquences.

Monica Bellucci quant à elle joue le rôle d’Alex la femme violée. Elle aussi livre une prestation remarquable. On a souvent dit et répété que Monica Bellucci devait sa carrière à son physique magnifique. Mais ici l’actrice démontre qu’elle a un talent d’interprète incroyable. C’est même la révélation du casting, elle est vraiment touchante. Mais là où elle est surtout impressionnante, c’est bien sûr sur la scène de viol. Elle simule de façon incroyable. L’actrice s’est vraiment donnée à fond et honnêtement c’est absolument hallucinant de la voir jouer avec autant de réalisme. Bref Bellucci fait exploser son talent et ça reste à mes yeux non seulement la meilleure performance de l’actrice mais l’une des plus belles performances féminines de l’histoire du cinéma français.

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A noter que le couple Bellucci/Cassel fonctionne à merveille. Ils étaient évidemment en couple dans la vraie vie et le naturel se ressent dans leurs scènes de couple.

On a ensuite Albert Dupontel dans le rôle de Pierre, l’ami de Marcus et ex d’Alex. Dupontel est lui aussi remarquable. Il est l’homme calme, la bonne conscience de Marcus qui finira par sombrer dans la bestialité en une soirée. L’artiste joue dans un registre dramatique et il est sublime.

Ce qu’on remarque et qui frappe, c’est qu’il s’agit d’un casting de stars et pourtant ce qu’on retient le plus de leurs performances, c’est le côté naturel de leur prestations et leur crédibilité franchement incroyable. Et c’est à toute la magie du cinéma de Noé. Un réalisme social frappant.     

Pour le reste du casting, on retrouvera Philippe Nahon l’interprète des deux films précédents qui ouvre le film.

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On sera surtout électrocuté et surpris de voir le célèbre champion du monde français de boxe thaï, Jo Prestia dans le rôle du mac violeur bisexuel qui se fait appeler « Le Ténia ». Une belle reconversion pour Prestia qui est lui aussi bluffant de crédibilité et dégage une violence et une folie incroyable, un vrai monstre ! C’est surtout impressionnant quand on connaît le sportif chevaleresque et bon vivant qu’est Jo Prestia.  

Mais on sera aussi frappé de voir Jean Louis Costes, figure incontournable de l’underground français au casting. Costes joue ici le rôle d’un gay, copain du Ténia, complètement allumé et chtarbé. Un rôle qui lui va bien. Noé  dira d’ailleurs que le connaissant de réputation, beaucoup de membres de l’équipe avaient peur de lui, mais qu’au final, et toujours selon Noé, Costes « est aussi gentil dans la vraie vie que ce qu’il est radical dans son art ». De son côté, Costes écrira un papier sensationnel et hilarant sur le film, baptisé « Irrécupérable » (plus tard il le mettra même sur vidéo). Il taillera pas mal les trois stars du casting et notamment Dupontel (qui se serait comporté comme un connard sur le tournage). Il se permettra même de se foutre de la gueule de Noé en tant que petit joueur. Comme le disait à juste titre Alain Soral, « c’est le seul qui peut se permettre de foutre de la gueule de Gaspar Noé […] Costes c’est le Gaspar Noé de Gaspar Noé ». Sa prestation est donc très appréciable pour les amateurs de cet artiste underground.

   

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En conclusion, Irréversible est une vraie réussite du cinéma expérimental français. Sa structure et ses effets sont totalement novateurs. Sur le fond, le film ressemble davantage à un exercice de style. Ce qui va avec la démarche du cinéma expérimental. Pour autant, Irréversible se révèle être bien plus, car c’est un drame poignant et touchant qui est d’un réalisme et d’une crédibilité à toute épreuve. Mais c’est aussi un drame qui reflète une certaine réalité sociale française. Il suffit de voir le nombre de viols commis en France. De voir à quoi ressemblent certains quartiers de banlieue et certaines boîtes de nuit. Il y’a donc vraiment cette dimension sociale qui est propre au cinéma de Gaspar Noé.  C’est un film qui te montre comment tu peux foutre ta vie en l’air en une seule soirée qui s’annonçait bien.  

Le film permet aussi de donner une nouvelle vision du Rape and Revenge qui est bien loin de la vision classique du cinéma américain (aussi bien d’exploitation qu’industriel). Ici la revanche n’est pas du tout glorifiée mais est montrée comme une pulsion animale et une bêtise totale qui ne mène qu’à la destruction. Quelque part, Irréversible c’est même un anti Rape and Revange.

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On peut aussi trouver un débat sur la place du sexe dans notre société. La sexualité revient en effet souvent dans la bouche de nos protagonistes.

C’est également un film sur le Temps. Car Noé avoue croire aux prémonitions. Dans son film le personnage de Bellucci lit d’ailleurs le livre Une Expérience avec le Temps de J.W.Dunne. Ce dernier prétend que dans les rêves qu’on fait, il y’a 75% de passé et 25% de futur, de prémonition en quelque sorte. Et c’est là que la structure d’Irréversible prend tout son sens. Le fait de le tourner à l’envers est compréhensible. On est comme dans un rêve. Au final le film aurait pu s’appeler « Inévitable » plutôt qu’ « Irréversible ». A propos du Temps, on n’oubliera bien sûr pas la phrase culte du début et de la fin (dans n’importe quel sens) « Le Temps Détruit Tout ».

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A sa sortie à Cannes en 2002, Irréversible déclenchera une onde de choc. Plus de 200 personnes quitteront la salle avant la fin de la projection ne supportant pas la violence du film. Il y’eut même des malaises. Le lieutenant général de la Brigade des sapeurs pompiers de Cannes, déclara « En vingt-cinq ans de métier je n’ai jamais vu ça au festival de Cannes. Les scènes du film sont insoutenables, y compris pour nous, les professionnels ». Une polémique éclate donc, mais quelle meilleure promo pour le film ? D’ailleurs suite à cela on parlera d’un immense scandale qui n’aura finalement pas lieu.

Cependant Irréversible avait marqué les esprits et ça devint rapidement un film culte qui rencontra beaucoup de succès, notamment en DVD. Ce succès permit à Noé de se faire une place dans le monde du cinéma de régler ses dettes et de travailler sur son projet « Soudain le Vide ».

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Un journaliste de VSD déclara au sujet de ce film « On dirait du Céline sans l’étincelle d’humanité. Il ne reste que la crasse ». C’est assez drôle car ce n’est pas la première fois que la critique compare le cinéma de Gaspar Noé à l’œuvre de Céline. 

Aujourd’hui, Irréversible est devenu un film culte du cinéma français. Un drame déboussolant poignant, sordide, violent, glauque, touchant émouvant et beau.  

A voir absolument

    

  

Note : 17/20

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Commentaires
A
Pas de pb, réponds nous quand tu peux ! Bon courage à toi !
V
à Tous: Je m'excuse de ne pas être présent sur la blogosphère en ce moment mais je suis en plein déménagement des locaux de mon bouleau et je fais des heures de fou. je serais surement plus présent à partir de Dimanche (voir de Samedi). Merci pour votre fidélité
A
Un film choc et coup de poing. Un classique du cinéma hexagonal, hélas trop souvent résumé à une seule et unique séquence...
I
à vince: un film coup de poing qui déstabilisera certains par son montage inversé. Perso, je préfère de loin Seul contre tous mais je reconnais d'indéniables qualités à Irréversible avec des acteurs au top notamment. En ce qui concerne la scène du viol, celle de The baby of Mâcon (que je te conseille) est encore pire au niveau violence. Quant à celles de Juvenile crime, elles sont hors normes mais le film est trop underground pour être comparé à celui de Noé.
T
Oh, que je suis content de ne pas l'avoir vu, celui la. Reste que le film a fait beaucoup de bruit a sa sortie, comme Bienvenu Chez Les Ch'tit (que je n'ai jamais vu non plus), mais, pour d'autres raisons.
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