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10 juillet 2015

Théorème

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Drame, Drame psychologique

Année : 1968

Public : Tous Publics

Durée : 1H34

Nation : Italie

Réalisateur : Pier Paolo Pasolini

Acteurs : Terence Stamp, Silvana Mangano, Anne Wiazemsky, Massimo Girotti.

Synopsis : Dans l’Italie des années 60, une famille bourgeoise milanaise purge son quotidien. C’est alors que surgit un énigmatique visiteur, sous les traits d’un  beau jeune homme angélique et séduisant. Tous les membres de la famille vont tomber sous le charme de cet être extraordinaire et découvrir des sentiments et des sensations qu’ils ignoraient. Cependant le départ de ce mystérieux visiteur va les laisser dans le bouleversement le plus total.  

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Aujourd’hui, nous abordons ce qui est probablement le film le plus culte de Pier Paolo Pasolini, j’ai nommé Théorème. Alors que le réalisateur sort du magnifique Œdipe Roi, il se lance dans un nouveau chef d’œuvre. Tout d’abord, il faut dire que Théorème est une œuvre vraiment complexe mais magistrale.

C’est aussi un film qui s’inscrit très bien dans le contexte de l’époque à savoir l’année 1968 qualifiée de « révolutionnaire ». En effet Théorème s’inscrit parfaitement dans ce courant malgré le fait qu’il marque aussi un certain contrepied dû à la personnalité de Pasolini.

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C’est le cinéaste lui-même qui rédigea le scénario. L’histoire est donc celle d’une famille bourgeoise dont le quotidien va être bouleversé par l’arrivée d’un étrange visiteur mais encore plus par son départ.

Premièrement, ce qui frappe dans Théorème pour parler de l’aspect visuel c’est son esthétique qui frise une certaine perfection. Pasolini commence son film tel un documentaire en donnant la parole à des ouvriers d’une usine. La façon dont le cinéaste filme l’usine est spectaculaire, à la fois austère et imposante.

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Puis nous découvrons le quotidien de la famille bourgeoise du patron de l’usine. Cette vie nous est montré en noir et blanc et muet. Le cinéaste veut ici souligner la froideur et l’austérité du monde bourgeois qu’il critiquait vivement.

Puis dés que le visiteur arrive, la couleur apparaît comme pour souligner la renaissance et l’ouverture du monde bourgeois à la réalité. La couleur va permettre de conférer au film une beauté incroyable. Pasolini travaille sur une belle palette de couleurs mélangeant le blanc et le vert. En effet, nous sommes d’abord pas mal confrontés à la verdure. Mais nous découvrirons également la beauté du désert plus loin dans le film. Pasolini signe donc une œuvre d’une grande richesse visuelle. D’ailleurs l’esthétique de Théorème, qui est une fois encore très travaillée, est également symbolique. Par exemple le visiteur est vêtu de blanc tel un ange (ce qu’il représente au final).

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Mais la réalisation est également somptueuse. Le rythme est assez lent. On pourrait presque dire que la réalisation est contemplative au vu de son rythme, mais les cadrages qu’utilisent Pasolini ne vont pas dans ce sens. Il ne s’attarde pas sur des éléments du décor et n’utilise pas vraiment de gros plans. Cette lenteur semble surtout destinée à créer une ambiance métaphysique particulière et à immerger le spectateur. En fait, c’est un peu comme si la réalisation ne se préoccupait pas vraiment du spectateur, ce qui finalement évite la distance avec le film et nous immerge complètement dedans en tant que témoin direct de chaque scène. Pasolini s’attache à nous faire vivre chaque seconde du quotidien des personnages.

Ensuite Théorème est également teinté de surréalisme, à travers la séquence hallucinante du père marchant nu dans la gare avant de se retrouver dans le désert de l’Etna et se mettre à pousser un énorme cri qui clos le film. Mais on retiendra aussi le moment où Emilia la servante lévite dans les airs.  

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Une fois de plus, on constatera également le génie visuel du cinéaste. Que ce soit à travers certains plans panoramiques puissants ou sa façon de filmer les visages. D’ailleurs Théorème n’est pas un film très bavard et Pasolini pousse le spectateur à se concentrer sur le visuel très puissant de son film. Il se dégage alors de Théorème quelque chose de vraiment métaphysique qui fait du film une sorte d’expérience.

D’ailleurs comme son nom le sous-entend, il touche une certaine perfection en se divisant en deux parties distinctes. La première se concentre sur la vie de la famille lors du séjour de l’inconnu et la seconde sur la même vie de cette même famille après le départ du visiteur.

Tout le cheminement va suivre une logique implacable, d’où  le titre « Théorème ». Pasolini nous livre une véritable démonstration sociale.

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Son film est également plein de mysticisme. Et des symboliques apparaissent partout. 

Pour ce qui est du casting, Théorème peut également s’appuyer sur de bons acteurs.

Premièrement Terence Stamp dans le rôle du visiteur. Taciturne, Il apparaît comme un véritable ange. L’acteur est vraiment parfait pour le rôle avec son regard à la fois très profond et impénétrable. Il apparaît comme une sorte de perfection. Une fois encore, Stamp est très peu bavard et son jeu reste sobre. Mais il impose une puissance incroyable qui renforce son côté divin. Certains ont d’ailleurs comparé son image à celle du Christ. Terence Stamp trouve là ce qui est à mes yeux le plus grand rôle de sa vie.

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On retrouve ensuite la magnifique Silvana Mangano qui jouait Jocaste dans Œdipe Roi. Ici elle interprète la mère de la famille bourgeoise. Sa prestation est sans aucun doute la meilleure du film pour moi. Elle parvient vraiment à faire ressentir cette émotion refoulée par son côté bourgeois. Elle y laissera par la suite libre-court. Son personnage est paradoxal car on a d’un côté la beauté de l’actrice mélangé à son côté bourgeois dépassé et sinistre qui ne correspond plus vraiment aux nouveaux critères. Silvana Mangano est donc une fois de plus absolument remarquable et sa prestation est impressionnante

Anne Wiazemsky est parfaite dans le rôle d’Odetta la fille.

On sera également frappé de retrouver Susanna Pasolini la mère du cinéaste qui avait déjà joué dans L’Evangile selon Saint Mathieu. Elle interprète ici une paysanne.

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On retrouvera aussi avec plaisir Ninetto Davoli dans le petit rôle du facteur.

Théorème est donc une œuvre totalement réussie sur la forme. Mais qu’en est-il du fond ?        

Comme je le disais, Théorème est une œuvre profondément complexe et il difficile d’affirmer tout ce que Pasolini a voulu dire avec un tel film.   

Cependant on peut clairement y déceler une critique virulente de la société bourgeoise qui s’inscrit clairement dans le courant de pensée du cinéaste. Il critique une bourgeoisie dominante exploitante et surtout totalement inhumaine. C’est donc son côté marxiste qui ressort totalement.

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Mais Pasolini ne se contente pas de critiquer, comme le font beaucoup, non ! Il propose en quelque sorte des solutions. Ainsi cette famille bourgeoise s’éveille après l’apparition du visiteur et l’introduction de l’amour et du sexe dans leur vie. C’est assez logique pour Pasolini quand on y réfléchit et c’est un peu la continuité de son documentaire Comizi d’Amore, enquête sur la sexualité. Au cours de ce reportage, que nous avons d’ailleurs abordé sur ce blog, Pasolini avait sondé toutes les classes sociales excepté la bourgeoisie qui n’avait pas voulu répondre aux questions d’un débat sur la sexualité. On pouvait donc déjà voir que ce sujet était très tabou dans ce milieu.

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Quelque part, son film s’adresse donc directement à la bourgeoisie et les appelle à se libérer par l’amour et le sexe. On s’inscrit donc littéralement dans la libération sexuelle que Pasolini prônait à cette époque. Le cinéaste a toujours considéré le sexe comme quelque chose d’essentiel dans notre société. Pour lui, dans un monde bourgeois, néo-capitaliste et ultralibéral où le consumérisme règne en maître et déshumanise les peuples, la seule solution semble offerte par le sexe. Le sexe et l’amour sont des choses naturelles qui nous revoient à notre humanité pour Pasolini et permettent de lutter contre la société de consommation capitaliste. Ils représentent aussi la compensation face au pouvoir en place.  Théorème s’inscrit donc parfaitement dans son époque de libération sexuelle de la fin des années 60. Mais c’est sûrement ce point là qui fait que le film fait partie des œuvres de Pasolini qui ont le plus vieilli par rapport à l’évolution de la pensée de son auteur comme nous aurons l’occasion de le voir au long  de ce cycle.

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Cela dit, le réalisateur suit une ligne cohérente en proposant une sexualité qui peut renvoyer à l’érotisme italien.

Mais ce serait une erreur (que j’ai d’ailleurs faite pendant longtemps) de penser que Pasolini ne prône que la libération sexuelle comme échappatoire. La spiritualité est plus ou moins abordée à travers les personnages de la bonne et de la mère dans la seconde partie. Une spiritualité qui permet elle aussi d’échapper au consumérisme de masse.

On peut aussi évoquer le personnage du père, riche propriétaire, qui abandonne son usine à ses employés et va même jusqu’à abandonner ses vêtements pour s’enfuir dans le désert. Il semble alors se détacher de tout sentiment matérialiste.

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Le fils quant à lui tente sa renaissance dans l’art. C’est d’ailleurs pour Pasolini le moyen d’aborder l’art moderne et son hypocrisie sur pas mal d’aspects.

Au final, le cinéaste semble appeler à une véritable remise en question de la société bourgeoise et plus généralement de la société tout court. Théorème est en fait une œuvre poétique et touchante qui répond avec beauté au consumérisme avançant à grande vitesse. C’est un appel du cinéaste à se libérer de ce néo-capitalisme déshumanisant lié à la bourgeoisie.

Cela dit, Théorème est un film tellement complexe qu’il est impossible d’en faire ressortir toutes les facettes.

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A sa sortie, le film sera sélectionné au festival de Venise. Il recevra ensuite le prix de l’office Catholique, sans doute pour sa dimension mystique et au final quasi-religieuse. Mais paradoxalement, le prix est contesté par certaines associations catholiques. Ensuite le film est attaqué pour obscénité et saisi en justice.

Depuis La Ricotta en 1963, Pasolini n’avait plus connu le scandale, avec lequel il va désormais renouer souvent. Cependant là encore, Pasolini finira par gagner son procès.

Théorème sera par ailleurs un grand succès. Il s’inscrira parfaitement dans la génération de l’époque, qui en France était traduite par « Mai 68 », et qui se reconnaissait dans ce message de libération sexuelle. C’est assez paradoxal quand on sait là encore comment vont évoluer les rapports entre Pasolini et cette génération de mai 68.

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Théorème est donc un film assez révolutionnaire aussi bien sur la forme que sur le fond. C’est cependant un film à resituer dans son contexte avec les illusions du cinéaste à cette époque. Mais qu’on le veuille ou non, dans la filmographie de Pier Paolo Pasolini, il y’a une avant et un après Théorème.

C’est un pur chef d’œuvre d’une beauté esthétique saisissante et avec un message sincère et profond.                                       

 

Note : 19/20

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Commentaires
V
à Inthemood: d'ailleurs j'espère pouvoir aborder Visitor Q dans un petit cycle Miike c'est effectivement une révision plus qu'intéressante et au final peut être plus proche de l'esprit de Pasolini dans la seconde parti de sa carrière.
I
Un film avec lequel j'ai eu beaucoup de mal au premier visionnage. Comme Tina, j'ai mieux adhéré la deuxième fois. Je rejoins Vince au niveau de l'esthétisme, c'est parfait. Un très grand classique "remaker" version trash par notre ami nippon T.Miike pour Visitor Q!
A
ça marche !
A
à tina: oui je me souviens de ton commentaire sur Salo... Et bien, ta chronique est attendue avec impatience
V
à Tina: surement par rapport à Salò
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