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22 juin 2015

Les Cent-Vingt Journées de Sodome

 

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Catégorie : Littérature

Genre : Inclassable

Année : 1785

Nombre de pages : 437

Nation : France

Auteur : Le Marquis de Sade

Synopsis : Vers la fin du règne de Louis XVI, Quatre aristocrates dépravés et fortunés décident de mener une véritable orgie. Ils partent s’enfermer dans un château perdu dans la forêt noire avec 42 filles et garçons « esclaves » soumis à leur moindre désir. Quatre « historiennes » leur font alors le récit des pires perversions et sévices qu’elles ont croisé dans leur vie. Elles excitent ainsi les quatre puissants qui mettent souvent ces sévices en application sur les jeunes victimes. Plus les évènements avancent et plus les quatre puissants vont loin dans la cruauté, la perversion et le macabre.   

Analyse critique :

(Attention SPOILERS)

Aujourd’hui c’est du lourd, puisque je me décide à aborder sur ce blog l’œuvre du Marquis de Sade. Ce philosophe français dont le nom constitue la racine du terme « sadisme » est resté ancré dans les mémoires de la littérature française.

Décrit comme un fou psychopathe et pervers, Sade fait aujourd’hui figure de génie pour beaucoup. Je n’irai pas jusque là mais « le Divin Marquis », comme on l’appelle, a su apporter un plus indéniable à la littérature et la psychologie de l’être humain.

Né Donatien Alphonse François de Sade dans une famille aristocrate puissante, il servit en tant que capitaine dans l’armée française. Dés son plus jeune âge il a la réputation d’être un homme courageux mais dérangé se vautrant dans la débauche et la perversité. 

  

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Les premiers scandales ne sont pas littéraires, Sade commet plusieurs crimes, cela commence avec la séquestration et la torture d’une femme en 1768. Il sera également mêlé à l’enlèvement de jeunes filles.

En 1777, il est enfermé au Donjon de Vincennes. En 1784 il est emprisonné à la Bastille où il commence à écrire. C’est d’ailleurs en 1785, qu’il rédige son premier écrit qui est peut être le plus culte : Les Cent-Vingt Journées de Sodome. C’est de cet ouvrage totalement atypique que je choisis de vous parler aujourd’hui.

Les Cent-Vingt Journées de Sodome est un texte particulier qui a toute une histoire que nous raconterons. Mais parlons d’abord du texte en lui-même.

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On suit donc l’histoire de quatre seigneurs : un duc, un évêque, un président et un financier qui vont s’enfermer dans un château avec de jeunes victimes auxquelles ils vont faire subir les pires sévices et châtiments corporels.

Vous l’avez compris, Les Cents Vingt Journées de Sodome est une œuvre trash et incroyablement cruelle. Ce livre est d’ailleurs parfois surnommé « l’Evangile du Mal ».

En réalité, il se divise en cinq axes : L’introduction et quatre parties. Il faut aussi savoir que Les Cent-Vingt Journées de Sodome n’ajamais pu être achevé. Ainsi les dernières parties du bouquin se présentent sous la forme de plans très détaillés des éléments de l’intrigue.    

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L’intro présente donc le décor et les personnages. Puis ensuite commence alors la série des sévices. En soit Les Cent-Vingt Journées de Sodome est particulier, car c’est en quelque sorte un huit-clos, puisque l’action se déroule dans un château, mais les récits des « historiennes » nous entraînent vers d’autres horizons. C’est d’ailleurs dans ces récits que se trouvent les passages les plus trash de tout le livre.

Sade emploie donc une structure narrative intéressante. Cependant, le fait que le livre soit inachevée se ressent dans plusieurs parties complétées dans lesquelles il y’a de nombreuses répétitions.

Mais en soit Les Cent-Vingt Journées de Sodome est un véritable étalage des pires horreurs dont peut être capable l’être humain. Vous l’aurez donc compris, les pages de ce livre sont d’une cruauté indescriptible. Seule l’imagination de Sade est capable d’aller chercher aussi loin dans le vice et la perversité. A chaque ligne, c’est du vitriol qu’on reçoit en plein visage. Après soyons honnête certains passages vont tellement loin qu’ils en deviennent presque ridicules. On enchaîne entre scènes de viols, humiliations sexuelles, pédophilie, nécrophilie, scatologie, tortures, mutilations et autres horreurs absolument indescriptibles.   

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Les Cent-Vingt Journées de Sodome est donc une œuvre sordide qui marque au fer rouge. Mais ce qui en fait aussi un chef d’œuvre c’est sa dimension fascinante. Dés ce premier écrit, Sade montre le génie qu’il a pour rendre fascinant tout cet étalage de cruauté au lecteur. En quelque sorte il esthétise la violence en la racontant avec une poésie macabre. De plus, il justifie en réalité cette violence à travers le libertinage.

Pour Sade, L’homme doit répondre à ses pulsions qui ne sont que le fruit de la nature animale. Ainsi il s’oppose violemment à la morale ou à la religion qui selon lui, sont totalement contre-nature. Là où « Le Divin Marquis » est donc étonnant, c’est dans la logique que suit son raisonnement. Mais le débat est au final plus ambigu qu’il n’y paraît comme nous aurons l’occasion de le voir plus loin.

Ainsi tout le bouquin est une escalade incessante vers les sommets du sadisme. Plus on avance et plus les sévices deviennent de pire en pire. C’est d’ailleurs pourquoi, étant donné que le livre n’est pas achevé, Michel Delon a lancé l’hypothèse que le livre est inachevable et que l’horreur monterait jusqu’à l’inconcevable.

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Une théorie intéressante. Quoiqu’il en soit, Les Cent-Vingt Journées de Sodome est déjà empreint du style d’écriture raffiné de Sade. A ce sujet j’ai bien envie de citer l’analyse de Philippe Sollers qui selon moi colle parfaitement au style du philosophe : « Sade est au clavecin, Il improvise, il fait monter les mots, il compose, en vrai musicien baroque (c’est un génie baroque), une suite française à la Bach. Quel charme, quelle fraîcheur. ».

Je rejoins parfaitement cette analyse. Tout dans le style de Sade est spontané et on a en effet l’impression qu’il improvise avec maestria. Il a un style vraiment très personnel qui le rend immédiatement identifiable. Ce style a un vrai caractère, ce qui rend la lecture à la fois terrifiante et attrayante. Pour moi l’écriture est vraiment l’un des aspects du génie de Sade. De plus, quand on sait que le texte fut rédigé à la prison de la Bastide, on peut comprendre la violence de ce livre hérétique qui doit à la colère de son auteur enfermé.

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Les Cent-Vingt Journées de Sodome est donc une œuvre inoubliable, et en France nous avons la chance de pouvoir la déguster dans la langue du Divin Marquis (honnêtement ça ne peut se lire bien dans une autre langue). Sade est donc un philosophe plutôt à contre courant. Il ne s’inscrit clairement pas dans le mouvement des lumières de l’époque. Avec cette œuvre il nous dresse en fait un portrait de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus sombre. Il en fait rejaillir les pulsions et les obsessions les plus inavouables. C’est en quelque sorte un bilan des pires horreurs imaginables.

Mais l’intérêt du livre ne se résume pas seulement à cela. Certains psychanalystes ou profilers de serial killers, affirment que l’œuvre de Sade fait mention de plusieurs syndromes de psychopathologie et en analyse remarquablement les pulsions. On peut même dire qu’à ce niveau là, le Divin Marquis est un véritable précurseur.

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Mais Sade veut aussi pousser le lecteur à passer au-delà d’idées préconçues et de voir l’homme comme un animal réagissant avant tout à ses pulsions. En ce sens, l’œuvre de Sade et particulièrement ce livre, est un exemple génial et frappant de ce qu’est le libertinage où la pensée libertaire quand on la pousse jusqu’au bout de sa logique.

On peut aussi voir à travers Les Cent-Vingt Journées de Sodome, un portrait du pouvoir. Sade disait que « rien n’est plus profondément anarchique que le pouvoir ». Ici en l’occurrence le pouvoir est représenté sous toutes ses facettes (noblesse, clergé, politique, finance). On assiste donc aux dérives d’un pouvoir qui se permet tout et devient un loup pour l’homme. Les victimes des quatre puissants sont ici réduites au rang de purs objets de consommation. On est donc ici parfaitement dans le débat de la dégradation de l’homme par l’homme. Un débat qui reste toujours d’actualité.

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Les Cent-Vingt Journées de Sodome est donc une œuvre choc et riche que l’on peut interpréter de façon différente. Toujours est-il que ça reste à mes yeux une œuvre essentielle dans la philosophie française.

Mais comme je le disais plus haut, l’histoire de ce manuscrit est absolument géniale. Sade craignant de voir ses écrits volés alors qu’il était à la bastille, recopia ses brouillons, avec une écriture minuscule et serrée, sur les deux faces d’un rouleau de papier de plus de 12 mètres de long. La légende veut qu’il l’ait dissimulé dans un godemiché. Dans la nuit du 3 au 4 juillet 1789, Sade fut transféré à l’hospice de Charenton sans avoir le temps de prendre ses affaires. Lorsqu’il eu l’occasion de revenir à la Bastille, c’était après le 14 juillet et les lieux avaient été pillés et saccagés. Sade ne retrouva pas le précieux manuscrit et affirma qu’une telle perte lui fit verser « des larmes de sang ».

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En réalité, on sait aujourd’hui que le manuscrit avait été retrouvé à la Bastide par un certain Arnoux de Saint-Maximin. Il alla ensuite à la famille Villeneuve-Trans où il resta pendant près de trois générations. A la fin du XIXème siècle, c’est un psychiatre allemand du nom d’Iwan Bloch qui l’acheta pour l’étudier. Il publia en 1904 une version mal transcrite. C’est en 1929 que Marie-Laure de Noailles une descendante du Marquis, mandata Maurice Heine pour racheter le manuscrit et le publier à partir de 1931.

Mais les aventures du manuscrit ne s’arrêtent pas là, car en 1982, il sera volé à la famille de Noailles et sera vendu à Genève à un collectionneur de livres érotiques du nom de Gérard Nordmann.

En 1990, la France réclama le manuscrit qui avait été volé illégalement et revenait de droit à la famille de Noailles. Mais les héritiers de Nordmann acquirent légalement le manuscrit par décision de justice en 1998. Ils le revendirent plus tard à Gérard Lhéritier qui le paya 7 millions d’euros en 2014. Le manuscrit est donc retourné en France. Evalué à une valeur de 12 millions d’euros, il fait partie des trois manuscrits les plus chers de France.

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Telles furent les aventures rocambolesques que connaîtra ce précieux document. De son vivant donc, Sade n’a jamais vu son travail publié et lu par des tas de lecteurs. Depuis, il a été édité dans plusieurs versions. Notamment une en trois exemplaires, avec des dessins d’illustrations et qui est un vrai bijou pour une collection.

Les Cent-Vingt Journées de Sodome a donc une valeur inestimable. C’est la quintessence du style sadien et à mes yeux le chef d’œuvre absolu du Divin Marquis et l’un des manuscrits les plus précieux du patrimoine français.

  

       

Note : 20/20

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Commentaires
C
Pasolini en fit une adaptation très libre mais aussi très intéressante au cinéma.
A
moi non plus, je dois dire...
V
à OLiver: Oui c'est indéniablement un classique et effectivement très très hardcore. Personnellement je n'ai jamais lu pire.
A
Un classique, quoi qu'on en dise ! Je sais, je me répète mais à découvrir de toute urgence ! Attention, âmes sensibles s'abstenir !
T
Je suis certaine que ce livre est intéressant mais j'avoue que je ne me suis jamais sentie de le lire...
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