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29 mai 2015

Marquis

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Inclassable, animation

Année : 1989

Public : Interdit aux moins de 12 ans

Durée : 1H20

Nation : France

Réalisateur : Henri Xhonneux

Acteurs : François Marthouret, Valérie Kling, Michel Robin, Philippe Bizot, Bien de Moor.   

Synopsis : En France vers 1789, dans la Bastille, Marquis, Un artiste subversif et prisonnier passe son temps à rédiger de nouveaux écrits. Pendant ce temps, d’autres bagnards pensent s’évader pour mettre au point la révolution avec l’aide de la bourgeoisie. Toujours dans la Bastille, un prêtre apprend qu’une prisonnière serait enceinte du roi en personne. Marquis va se retrouver au centre d’évènements qui vont changer la France.

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Continuation de notre cycle Panique. Aujourd’hui je vous propose de parler d’une œuvre plus méconnue de ce mouvement (ou anti-mouvement), il s’agit de Marquis, un film réalisé en 1989 par Henri Xhonneux en collaboration avec Roland Topor. Ce dernier, que nous avons déjà évoqué ici, avait auparavent travaillé au cinéma en signant les dessins, désormais mythiques, du générique de Viva la Muerte. 

Pour le film qui nous concerne, Topor est carrément chargé de la direction artistique. Par sa conception particulière, Marquis s’inscrit bel et bien dans le mouvement Panique. Mais également par son sujet puisqu’il est ici question de l’emprisonnement du « Divin » Marquis de Sade, le célèbre philosophe français que les paniques considéraient comme une sorte de précurseur avant l’heure de leur mouvement.

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En réalité, Marquis est en fait un film qui mélange les prises de vues réelles et l’animation. Les personnages, mi-hommes mi-animaux, sont des acteurs qui portent des masques animatroniques.

L’histoire se situe donc dans la France, entre 1788 et 1789, alors que l’autorité royale est de plus en plus bafouée. La Bastille est remplie de prisonniers politiques parmi lesquels on trouve Marquis, un philosophe libertin blasphémateur, auteur d’écrits subversifs. Ce dernier tue le temps en rédigeant des livres et des pièces de théâtre.

Il n’a pour seul ami que Colin son pénis, qui possède sa propre conscience et volonté et avec lequel il tient de véritables conversations. Mais dans la Bastille un complot se trame contre le roi. Marquis va se retrouver mêlé un peu malgré lui à la révolution française.

   

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L’histoire de Marquis s’inspire donc très librement de l’enfermement du Marquis de Sade à la Bastille. Peu de films ont abordé le sujet et Marquis est probablement celui qui l’aborde avec le plus d’étrangeté.

Au niveau de la réalisation comme je l’ai dit, le film mélange animation et prises de vues réelles. Cela crée pourtant une formidable esthétique visuelle. Les personnages mi-homme, mi-animaux sont superbes. Ils furent dessinés par Topor qui trouva un juste équilibre pour mélanger humanité et animosité. Par la suite, les marionnettes ont été conçues et dirigées par Philippe Bizot. Les costumes de ces créatures sont eux aussi très beaux et très travaillés.

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La mise en scène de Xhonneux est parfaitement juste. Il parvient à capter l’imagerie et la magie du cinéma d’animation et à le mêler à l’univers pervers sadien. Le résultat est absolument frappant.

Mettant donc en scène un univers sadien, Marquis est clairement un film assez trash, violent et malsain. Certaines séquences nous renvoient à certaines pages des Cent Vingt journées de Sodome. Cependant, ici Xhonneux sait créer une certaine distanciation par l’aspect animation de son film. Il parvient même à créer une certaine poésie visuelle sur la violence. Il y’a également une scène superbe avec une araignée qui suscite un formidable élan d’imagination chez le personnage de Marquis. Quelque part, Xhonneux a su reprendre la part de poésie des écrits de Sade pour la retransmettre visuellement au spectateur.

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Le visuel du film regorge évidemment de symboliques (comme toujours dans l’art panique). Ainsi les différents animaux qui représentent nos personnages ne sont pas choisis au hasard. Marquis est un chien de race noble, Justine une vache, Juliette une jument, Ambert un rat, Horace un cochon, Lupino un  loup, le gouverneur un coq….

C’est ce qui fait toute l’originalité du film. Mais si il y’a un personnage vraiment génial, c’est bien Colin, qui n’est autre que le sexe de Marquis. Celui-ci a sa propre volonté et reproche à Marquis de passer son temps à écrire sans jamais passer à action. Tout cela donne lieu à des scènes humoristiques, grotesques et parfois assez inquiétantes. Il faut voir Marquis en train de faire répéter une scène de théâtre à son pénis. Seul le cinéma panique peut vous fournir de telles visions. Marquis est donc un film très visuel et du même coup très satirique.

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Au delà de l’aspect visuel on retiendra également l’écriture. C’est là encore Roland Topor qui s’est chargé de rédiger les dialogues. Il a bien évidemment su reprendre le ton des œuvres de Sade, mais a su aussi apporter sa touche personnelle.

La musique est également envoûtante. Elle me fait même un peu penser à certains films d’animation de Tim Burton par moments.

Sur le fond, le film de Xhonneux aborde des sujets intéressants. Concernant l’aspect politique et historique, on est en plein dans la période qui précède la révolution française. Ainsi Xhonneux et Topor, prennent des libertés avec l’Histoire, mais nous montrent bien la bourgeoisie en train de préparer un complot contre la monarchie. C’était d’ailleurs bien vu d’introduire le personnage de Sade qui quelque part, par ses écrits, a contribué à la propagande révolutionnaire. Ce personnage d’aristocrate se retrouve donc repris par la bourgeoisie pour contrer la monarchie. Cependant, le film n’exploite pas vraiment cet aspect. Ceci dit, c’est assez difficile à aborder je le reconnais. Sade ayant toujours été opposé à la monarchie, ne fut jamais au final un républicain. Le film semble quelque peu sous-entendre qu’il est utilisé un peu malgré lui par la bourgeoisie. C’est une piste assez intéressante mais une fois encore trop abstraite.

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Cela dit, le parti pris de Marquis n’est pas du tout là. Le film s’inscrit justement dans l’œuvre de Sade et traite des rapports entre l’être humain et ses pulsions. Ici ce rapport est matérialisé symboliquement. Par le fait que les personnages soit mi-hommes (vertu), mi-animaux (pulsions). Mais surtout par le personnage de Colin, le con de Marquis avec lequel il tient de vraies conversations. Ce dernier matérialise les pulsions du personnage, en lui reprochant de trop écrire et de ne pas agir. Colin a sa propre volonté et peut également influer sur l’imagination de Marquis. Par là Xhonneux et Topor reprennent le discours de Sade en montrant à quel point les pulsions peuvent prendre le dessus sur la vertu.

Pour autant, ce débat devient également intéressant à travers le personnage de Marquis en lui-même. Marquis représente donc Sade, et ici, il est assez ambigu. Il prône le libertinage et se veut contre le refoulement des pulsions sadiques et animales. Pour autant, il se montre aussi très raffiné et se veut même assez sentimental. Certaines scènes de dialogues avec son sexe sont vraiment touchantes. Marquis développe même des sentiments amoureux (à l’opposé donc des écrits de Sade).

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Xhonneux semble donc vouloir quelque part réhabiliter le personnage de Sade, auquel le film est d’ailleurs dédié. Le montrant avant tout comme un poète de la condition humaine. C’est notamment ce qu’il exprime à travers le personnage de Justine, qui fait bien évidemment référence au célèbre personnage sadien. Comme dans les écrits du « Divin marquis », Justine représente une vertu violée et bafouée. Pour autant ici, elle est touchée par les textes violents de Marquis, pensant qu’ils reflètent une vraie souffrance et un cri contre la condition humaine. Elle finit par en tomber amoureuse. C’est une vision très intéressante du personnage. D’ailleurs, dans le film, Marquis est accusé à tort du viol de Justine commis par le roi. Xhonneux semble sous entendre que Sade n’était pas responsable des crimes dont on l’a accusé. 

A la fin du film, on note aussi une scène étrange, ou Colin se sépare de Marquis le laissant sans sexualité. Le personnage se contentera donc d’écrire. Peut être que Marquis est parvenu à vaincre ses pulsions ? 

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On a donc droit à une sorte de réhabilitation de Sade vu ici comme un homme qui exprimerait plus la souffrance de l’humain que le sadisme. Cependant Xhonneux sait aussi entretenir une certaine ambiguïté qui fait le charme du film.

Le film conclue sur une phrase de Marquis « ce n’est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres ».

Marquis est donc une œuvre choc, trash mais surtout touchante. C’est un drame à la fois psychanalytique, philosophique, historique, satirique mais aussi humoristique.

9

C’est vraiment un film étrange. Cela dit, on peut clairement parler d’une nouvelle réussite pour le mouvement Panique. Henri Xhonneux filmant une œuvre belle et profonde à la fois.

 

 

 

Note : 16/20

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Commentaires
A
je prends bonne note de tes conseils !
V
à Inthemood: C'ets un film assez étrange en effet. Et comme je le disais à Borat, c'ets intéressant d'avoir un film panique qui ne soit pas de Jodo ou d'Arrabal.
I
a vince: un film curieux que me tente bien. Et puis des acteurs qui portent des masques d'animaux, c'est pas banal.
B
Un ami m'en a très longuement parlé en plus c'est par le créateur de Téléchat! Je pense lui demander un jour le fichier téléchargé.
A
Toujours pas vu, mais très envie de le découvrir rapidement ! Effectivement, le film a l'air très particulier
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