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20 février 2015

Spartacus

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Péplum

Année : 1960

Public : Tous Publics

Durée : 3H09

Nation : USA

Réalisateur : Stanley Kubrick

Acteurs : Kirk Douglas, Laurence Olivier, Jean Simmons, Charles Laughton, Peter Ustinov, John Gavin, Tony Curtis

Synopsis : Spartacus, un esclave récalcitrant est vendu à une école de gladiateur. Là bas, il apprend l’art du combat. Téméraire, il finit par mener une mutinerie retrouvant sa liberté. Il épouse alors Varinia, une esclave dont il est épris depuis longtemps. Ensuite, il lève tout une armée d’esclaves et d’anciens gladiateurs pour s’élever contre la tyrannie et la suprématie romaine. Il se met alors à piller des villes et à mener des attaques contre les troupes romaines. Entre Crassus, général et politicien romain extrêmement riche et Spartacus, héros et chef de la révolte, un long bras de fer s’engage.  

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Continuons notre programme Kubrickien avec l’un des Péplum les plus cultes de l’histoire du cinéma, j’ai nommé Spartacus. Spartacus est un film assez particulier dans la filmographie de Kubrick, car le réalisateur l’a plus ou moins renié. C’est pour autant une œuvre qui est peut être celle qui a joué le rôle le plus important dans la carrière du cinéaste.

Nous sommes à la fin des années 50. Kubrick sort tout juste de faire Les Sentiers de la Gloire, un pur chef d’œuvre qui l’impose comme un réalisateur en vue. Cependant si le film a été un énorme succès critique, peu de gens ont payé pour le voir. Kubrick et son associé James Harris, ont besoin d’un succès commercial. Ils partent alors sur un projet de Sitcom avec Earnie Kovacs en vedette. Mais le projet n’aboutira pas. Ensuite, ils pensent à l’adaptation cinématographique du livre J’ai volé 16 000 000 de dollars écrit par le criminel Herbert Emerson Wilson. Mais là encore le projet s’écroule rapidement.

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La chance semble sourire à Kubrick en 1960, lorsque l’une des plus grandes stars de l’époque fait appel à lui. Cette star c’est Marlon Brando qui souhaite faire un western adapté du livre de Charles Neider The Authentic Death of Hendry Jones, où il aura le rôle principal. Pour Kubrick, c’est un projet tentant. Le réalisateur a l’occasion de changer de genre pour en essayer un auquel il n’a jamais touché : le western. Il s’agit qui plus est d’un western sur la vengeance, un thème qui intéresse Kubrick. Cependant le cinéaste ne s’entendra pas du tout avec l’acteur. Brando qui jouissait d’une grande réputation à Hollywood n’aura pas de mal à le faire évincer du tournage. Brando réalisera lui-même (et avec talent) ce qui deviendra La Vengeance aux deux Visages.   

Le cinéaste voit donc le projet lui passer sous le nez. Cependant il n’est pas le seul en cette année 1960. Anthony Mann qui avait été jugé par Universal comme le meilleur pour réaliser Spartacus, un projet de Péplum ambitieux, est exclu après plusieurs jours de tournages par le producteur et acteur principal du film Kirk Douglas. Ce dernier qui ne s’entendait pas avec la vision de Mann pense faire appel à Kubrick qu’il connaît et qu’il apprécie beaucoup depuis qu’il a tourné Les Sentiers de la Gloire avec lui. Kubrick saute sur l’occasion et reprend le travail qu’avait commencé Anthony Mann.

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Spartacus est un projet ambitieux dont le budget s’élève à 6 millions de dollars. Il faut dire qu’à l’époque, le péplum était à la mode. Un an avant, William Wilder avait triomphé avec le monumental Ben-Hur. Douglas a acheté les droits du livre de Howard Fast Spartacus, et choisit d’engager Dalton Trumbo pour rédiger le scénario. Trumbo avait été emprisonné au début des années 50 lors de « la chasse aux sorcières », en raison de ses opinions communistes. Il faisait donc partie de la célèbre Liste Noire. Mais Kirk Douglas n’a jamais eu froid aux yeux et a toujours violemment rejeté le Maccarthysme, c’est pourquoi il engagea Trumbo.

Le tournage est donc repris par Kubrick. Bien vite, le réalisateur va se heurter à Kirk Douglas. Ce dernier pensait que Kubrick ferait docilement ce qu’il lui dirait par reconnaissance de lui avoir offert le job. Mais c’est mal connaître le cinéaste. Kubrick et Douglas vont entrer en conflit, n’ayant pas la même vision des choses. Cependant le cinéaste finira par faire profil bas et par s’incliner face à la vision de l’acteur-producteur pour plusieurs raisons. La première qui paraît évidente, c’est que Kubrick avait besoin de travailler et de faire un succès commercial et que Spartacus était une occasion en or. Ensuite, le réalisateur s’était déjà fait expulser de La Vengeance aux deux Visages par Marlon Brando. Pas question de renouveler l’expérience. Puis enfin, en acceptant de suivre les directives de Douglas, il pouvait compter sur ce dernier et sa société de production « Bryna Productions » pour participer à son prochain projet : l’adaptation du livre sulfureux de Vladimir Nabokov : Lolita.

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Le cinéaste perçut un salaire de 150 000 dollars pour faire Spartacus.          

Le film suit donc les traces de Spartacus un esclave gladiateur qui va mener une révolte contre l’empire romain.

Pour être honnête, pendant longtemps je n’aimais pas vraiment Spartacus comme film. J’étais d’ailleurs conforté à cette idée par le fait que Stanley Kubrick lui-même le reniait. Pour moi, Spartacus était un film purement hollywoodien qui n’avait absolument rien à voir avec le style du cinéaste. En le revoyant il y’a peu (pour écrire cette chronique), je me suis rendu compte que ce film avait pourtant quelques aspects Kubrickiens. Puis surtout j’avais plus de recul et je me suis aperçu que Spartacus était bel et bien un chef d’œuvre de plus à l’actif du réalisateur.

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En réalité on peut comprendre pourquoi Kubrick renie ce film. Il est vrai que Spartacus est le moins personnel de toute sa filmographie. Pour cause, le fait que Kubrick ait préféré faire profil bas pour les raisons que j’ai évoquée plus haut, mais aussi parce que contrairement au film précédent qui avait été tourné en Allemagne, celui-ci était bel et bien sous la coupe hollywoodienne. Kubrick disposait donc de peu de libertés. Par ailleurs, certaines scènes furent même plus dirigées par Douglas que par Kubrick. On comprendra donc aisément que Spartacus laisse un goût amer au cinéaste. Est-ce que cela veut dire pour autant que le film n’est pas bon ? Absolument pas ! Au contraire même.

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La réalisation de Spartacus, est très réussie et justement parce qu’elle est quelque part le fruit de trois hommes : Anthony Mann (qui a tourné quelques scènes), Stanley Kubrick et Kirk Douglas. Sur le style Kubrick, on retiendra les éternels travellings. Que ce soit sur l’ouverture lorsque Lentulus Batiatus examine les esclaves ou encore lorsque Spartacus passe ses troupes en revue (une scène qui semble être la sœur d’une séquence des Sentiers de la Gloire avec le même Kirk Douglas). Parmi les scènes les plus marquantes, on pensera évidemment au duel de gladiateurs dans l’arène où Kubrick met aussi à profit l’expérience de ses films sur la boxe. La séquence où Antoninus récite des poèmes, scène qui faisait horreur à Dalton Trumbo qui aurait voulu la filmer en montrant plus les visages et les émotions des acteurs, ce qui était au final une manière plus classique de voir les choses. Puis Spartacus c’est bien sûr des scènes de bataille qui sont nombreuses mais on retiendra surtout la dernière qui est vraiment impressionnante. Quand on voit cette séquence, je trouve qu’on peut percevoir la fascination que Kubrick pouvait éprouver pour le génie militaire de Napoléon (bien que nous nous situions ici dans l’Empire romain antique). Malgré un ton parfois un peu niais, typique de certains films des années 50 (bien qu’on soit en 1960), Spartacus contient aussi plusieurs scènes dramatiques. Notamment lorsque Spartacus et Antoninus sont contraint de se battre l’un contre l’autre mais surtout la séquence où Spartacus crucifié contemple sa femme tenant dans ses bras leur enfant qu’il voit pour la première et dernière fois.

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Spartacus est donc un péplum à grand spectacle qui s’impose comme un sommet du genre. Mais plus que de l’aventure, le film a une dimension politique très intéressante. Outre le féroce bras de fer guerrier qui oppose Crassus à Spartacus, on notera celui plus politique qui oppose ce même Crassus à Gracchus son grand rival. Ainsi, au-delà des batailles entre armées, Spartacus nous montre les batailles de l’ombre entre les différents politiciens. Là encore on peut retrouver la fascination de Kubrick pour les échecs. Le sol du sénat est donc un damier, et Crassus et Gracchus apparaissent comme deux joueurs qui avancent méticuleusement leurs pions de façon très calculée pour remporter une bataille extrêmement stratégique.      

Clairement, Spartacus c’est du haut niveau.

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Mais le film peut aussi s’appuyer sur casting en or.

En tête de liste on a bien sûr Kirk Douglas. L’acteur tenait beaucoup à ce film et s’il s’y est beaucoup impliqué en tant que producteur, il en va de même en tant qu’acteur. Il trouve là l’un de ses rôles les plus cultes. Douglas peut compter sur son charisme naturel et ses talents d’interprète. Il s’entraînera beaucoup physiquement, notamment au maniement des armes pour les besoins du film. Douglas est donc un superbe Spartacus.

On a ensuite Laurence Olivier, immense acteur qu’on ne présente plus et qui incarne Crassus, réputé pour sa fortune phénoménale. Son personnage est le plus intéressant du film, de même qu’Olivier est l’acteur qui signe la performance la plus impressionnante de ce long métrage. Que ce soit sur sa personnalité naturelle ou son talent d’acteur, Laurence Olivier crève littéralement l’écran, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait de quoi il est capable. L’une de ses meilleures scènes est à mon avis celle où il est avec Antoninus, juste avant que ce dernier prenne la fuite. La prestation d’Olivier est à l’image de la Rome Antique que son personnage représente : puissante.

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Mais Laurence Olivier n’est pas le seul monstre sacré de ce casting. On retrouve également Charles Laughton qui interprète admirablement Gracchus. Là encore on a un acteur qui peut s’appuyer sur son physique, notamment son visage extraordinaire. Laughton représente vraiment cette image de politicien romain corpulent qui dégage beaucoup de sagesse et de savoir. Cependant c’est évidemment un personnage qui comme Crassus nourrit sa propre ambition. L’acteur est égal à sa réputation et nous offre une performance magistrale.

Avec Laurence Olivier et Charles Laughton en ennemis jurés, on a deux monstres sacrés d’Hollywood réunis à l’écran. A ce sujet Martin Scorsese déclara en parlant de Kubrick « Il avait trente ans au moment du film ? A trente ans ? Tourner avec Olivier et Laughton ? Il n’avait peur de rien ! ».

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Mais notons aussi notre premier rôle féminin du casting qui est tenu par Jean Simmons. L’actrice livre elle aussi une bonne prestation qui s’inscrit certes dans la tradition hollywoodienne de la vision de la femme, mais Simmons parvient tout de même à nous faire véhiculer quelques émotions. Notamment sur les scènes qui l’oppose à Crassus et où elle se souvient de Spartacus. Où encore, bien évidemment, la fin où elle contemple son mari crucifié et lui présente leur enfant. Jean Simmons remplit donc parfaitement le quota.

On a ensuite Peter Ustinov. L’acteur avait été vivement impressionné par Les Sentiers de la Gloire, c’est pourquoi il apprécia tourner avec Kubrick. Ustinov signe lui aussi une très bonne performance dans le rôle de ce lâche marchand d’esclaves et éleveur de gladiateurs qui paradoxalement nous paraît humain.     

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On retrouvera également avec plaisir le mythique Tony Curtis. Ce dernier avait déjà été le complice de scène de Kirk Douglas sur Les Vikings. Curtis peut lui aussi jouer sur son charisme naturel. Il est parfait dans le rôle d’Antoninus et parvient à conférer beaucoup de sensibilité au personnage et au film.

On se souviendra aussi de John Gavin interprétant un jeune Jules César. Dans les seconds couteaux, on trouve également l’acteur afro-américain Woody Strode que l’on avait déjà aperçu dans plusieurs westerns de John Ford.

Spartacus s’impose alors comme un film taillé pour devenir culte et même dans ces citations, notamment la célèbre « Je suis Spartacus ! ».

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Au final qu’en est-il du fond de ce péplum ? Eh bien en réalité, plus qu’un film d’aventure, Spartacus possède un contenu intéressant. C’est ici la chronique d’un homme révolté se dressant contre la tyrannie d’une nation. Evidemment, quand on sait que c’est Dalton Trumbo qui est derrière le scénario, on pense à son parcours. A travers le personnage de Spartacus on retrouve une part du Trumbo rebelle contre le système, persécuté par ce même système et qui pousse un cri de révolte. Nul doute que Spartacus a été une icône pour le scénariste. Mais c’est aussi un film qui analyse le pouvoir et qui dénonce quelque part la démocratie qui se dit synonyme de liberté, mais qui en fait est totalitaire. Ainsi on voit l’envers du décor du sénat romain et toutes les manipulations dont font preuve les politiques. La corruption qui règne parmi les membres les plus importants et les conflits d’intérêts personnels. Pour autant le personnage politique de Crassus malgré tous ses défauts est montré comme quelqu’un de profondément attaché à Rome.

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Le film a donc plusieurs axes très intéressants.

A sa sortie, Spartacus fit un véritable carton. Il reçut 4 oscars, rafla les spectateurs et devint le plus gros succès de l’année 1960. Il marque également le premier grand succès commercial de la carrière de Kubrick. Paradoxalement, le réalisateur reniera ce film. Les raisons, je les ai déjà évoqué, Spartacus ne représentait rien de personnel. Le réalisateur avait repris le travail d’Anthony Mann et n’avait pas eu de libertés sur le tournage se conformant à la vision de sa star principale et producteur : Kirk Douglas.

A ce sujet Kubrick déclara : « Dans Spartacus, j’ai essayé tant bien que mal de rendre le film aussi réaliste que possible, mais j’avais contre moi un scénario idiot rarement fidèle à la vérité historique telle qu’on la connaît ».

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Le réalisateur était aussi clairement déçu une fois encore de n’avoir eu aucun pouvoir sur son film. « Si j’avais encore eu besoin de me convaincre des limites du pouvoir de persuasion d’un metteur en scène sur un film produit par quelqu’un d’autre et dont il n’est que le membre le mieux payé de l’équipe technique, alors Spartacus s’en est définitivement chargé » affirma t’il. A partir du tournage de Spartacus, Kubrick déclara que plus jamais il n’accepterait de faire un film sans avoir la garantie du contrôle total. Une ambition démesurée à Hollywood mais que le cinéaste parviendra à réaliser.

Mais s’il y ‘est parvenu, c’est justement parce qu’il y’a eu un film comme Spartacus qui a montré sa crédibilité aux studios. Kubrick prouvait qu’il pouvait rapporter beaucoup d’argent. C’est pourquoi comme je le disais au début de cette chronique, Spartacus est le film qui a joué le rôle le plus important dans la carrière de Kubrick.

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Mais plus qu’une œuvre commerciale qui lui a permis d’ouvrir les portes closes, c’est un chef d’œuvre qui s’impose comme l’un des sommets du genre de par sa qualité de mise en scène et ses ambitions visuelles réalisées.

A ce niveau là, il faut également saluer Kirk Douglas qui laissera certes peu de libertés à Kubrick et qui par conséquent s’impliquera beaucoup dans la réalisation de ce film. L’acteur montrait déjà un talent pour la réalisation. Il ne faut pas oublier qu’un gars comme Douglas a joué un rôle très important pour la carrière de Stanley Kubrick.

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Spartacus est donc un paradoxe, personnellement je ne l’apprécie pas vraiment en tant que film kubrickien mais en tant que Péplum hollywoodien. C’est une œuvre très réussie, spectaculaire, belle et intelligente.

Un des meilleurs péplums jamais faits, tout simplement.    

           

           

Note : 17,5/20

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Commentaires
V
à Borat: Oui une grande date du Péplum. C'est vrai que l'opposition entre ces deux monstres sacrés tient ses promesses.
B
Un chef d'oeuvre renié mais monumental inspiration notable pour Gladiator. Le duel entre Kirk Douglas et Laurence Olivier est impressionnant et quel final tragique.
A
Un film renié par son réalisateur lui même et pourtant un chef d'oeuvre dans son genre. Il y a une faute d'étourderie dans le titre de ton article. Tu as écrit "sparctacus"
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