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2 janvier 2015

Rusty James

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Drame, Teen-movie,

Année : 1983

Public : Tous Publics

Durée : 1H35

Nation : USA

Réalisateur : Francis Ford Coppola

Acteurs : Matt Dillon, Mickey Rourke, Diane Lane, Dennis Hopper, Nicolas Cage, Chris Penn, Laurence Fishburne

Synopsis : Rusty James, un jeune voyou membre d’un gang, n’hésite pas à aller affronter le chef de la bande rivale. Mais son grand frère Mortorcycle Boy, le chef légitime du gang, qui s’était exilé pendant des années, réapparaît et sauve Rusty James. Ce dernier voue une admiration sans limite pour son ainé qu’il voit comme un héros et roi du quartier. Mais Mortorcycle Boy, daltonien à moitié sourd, après ces longues années d’absences et de périples est devenu désillusionné. Désormais sa seule fascination reste d’admirer les poissons combattants.     

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

On continue notre petit cycle Coppola avec Rusty James, film réalisé en 1983 dans la foulée juste après Outsiders. En effet les deux films forment finalement une sorte de diptyque sur la jeunesse rebelle.

En réalité, Coppola avait beaucoup apprécié The Outsiders le livre de S.E.Hinton, ce qui l’avait poussé à l’adaptation. Et c’est justement en préparant le film Outsiders que Coppola découvrit Rumble Fish un autre bouquin d’Hinton. Ce livre traitait également de la jeunesse et narrait l’histoire de voyous. Coppola l’adora immédiatement car elle parlait de la relation particulièrement forte entre deux frères et plus spécialement de l’admiration d’un cadet envers son aîné. Pour Coppola, c’est une motivation suffisante pour achever Outsiders qui sera la première pierre de ce diptyque.

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Dans la foulée il tournera donc Rusty James qui est bien évidemment l’adaptation du bouquin d’Hinton. Le réalisateur reprend d’ailleurs quasiment la même équipe que pour Outsiders.

Rusty James est donc la continuité du débat du film précédent. Cependant, sur sa forme et son esthétique, il en est exactement le contraire. Coppola avait décrit Outsiders comme un film « sur le coucher de soleil » (continuité de Coup de Cœur qui était un film « sur le néon » selon le réalisateur) on peut donc dire que Rusty James suit la continuité car ça serait plus un film sur la nuit. Outsiders nous plaçait dans la nature, avec une esthétique verte (parc, arbres, champs, campagnes), jouant notamment sur les couleurs. Rusty James nous place dans la cité et la ville avec une esthétique urbaine (rues, bas quartiers, immeubles) et est en noir et blanc. Ce dernier parti pris esthétique est intéressant car il reflète en réalité la vision du monde de Motorcycle Boy qui est daltonien et à moitié sourd. « Comme une télévision en noir et blanc, dont le volume est baissé au maximum » selon les propres mots de ce dernier. Les seules couleurs qu’on distingue dans le film sont celles des poissons combattants dans l’aquarium. Alors qu’Outsiders s’était vu reprocher d’être trop classique dans sa forme, Rusty James est quasi-expérimental et fait presque du tape à l’œil. Outsiders était parfois contemplatif, Rusty James à un montage très vif.

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Autant ne pas tourner autour du pot, Rusty James s’impose sans doute comme la plus grande réussite de Coppola sur le plan visuel. Tout y est parfait. D’entrée de jeu avec cette image du ciel (en noir et blanc donc) montrant les nuages circuler à toute allure, de même que les aiguilles d’une horloge folle. La tonalité du film est donnée d’entrée de jeu. Coppola s’impose de suite comme un créateur d’atmosphère. Une atmosphère sombre traduite par la beauté des images en noir et blanc. Alors que Coppola est dans une approche assez expérimentale, il fait également beaucoup appel au cinéma des années 40-50. On ressent surtout l’influence du Grand Orson Welles, dont Coppola est l’héritier légitime.

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Oui, tout dans Rusty James rappelle le film noir des années 40. Le jeu avec les ombres sur les murs, la façon de gérer subtilement la lumière pour en faire un canon esthétique, les fumigènes, les échos dans les ruelles. Mais le tout modernisé par la pâte de Coppola. Une sorte de retour aux sources qui est quelque part la base du cinéma expérimental. Il est vraiment agréable de voir cette esthétique visuelle des années 40-50 mélangée à une histoire de jeunes rebelles des années 60-70.

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Rusty James régale la rétine. Des scènes superbes il y’en a des tas. Que ce soit l’ouverture, la bagarre dans la station désaffectée, l’apparition de Motorcycle Boy, la promenade dans les rues. Mais surtout la scène où Rusty James sort littéralement de son corps et plane au dessus. Sans oublier la célèbre séquence des poissons qui constituent la seule couleur du film. Tout est remarquablement bien dosé par Coppola et la caméra maniée comme toujours d’une main de maestro.

Le réalisateur se surpasse avec ce nouveau film. Le montage très vif une fois encore est également très réussi.   

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Mais les magnifiques images de Coppola peuvent également s’appuyer sur une super BO. Un son que l’on doit à Stewart Copeland, le batteur du groupe Police. Ce dernier ne cherche pas vraiment à composer une mélodie, mais bien à jouer avec les sons. De la batterie, des cliquetis d’horloge, des battements de cœur. Là encore, l’aspect audio semble rejoindre la perception du monde de Mortorcycle Boy.

Audio et Visuel sont en parfaite harmonie comme jamais dans un film de Coppola.

Le casting vient compléter le tout.

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Dans le rôle principal de Rusty James on retrouve Matt Dillon, qui s’était fait très bien remarquer dans le film précédent pour le rôle de Dallas, le rebelle sans cause. Ici Dillon trouve un rôle plus profond. Rusty James est dans le fond un jeune homme assez fragile mais qui fait tout pour ressembler à son grand frère. Il est ainsi marrant de voir ce personnage de voyou plutôt sûr de lui avec les autres personnages mais qui devient presque un enfant face à son frère ainé Motorcycle Boy. Matt Dillon signe une performance de talent. Jean Tulard avait d’ailleurs définit les personnages de rebelles de Dillon ainsi : « viril et fragile, beau et vulgaire à la fois, il symbolise un type nouveau de jeune premier ». Cette description s’applique à mon sens surtout à Rusty James. L’acteur a l’occasion de plus dévoiler son talent avec ce nouveau personnage beaucoup plus complexe que celui de Dallas. Il confirme à merveille les espoirs placés en lui. Il tient au final de James Dean.

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Si c’était bien Matt Dillon qui crevait l’écran dans Outsiders, il faut dire qu’ici, bien qu’il ait le rôle principal, il se fait éclipser par Mickey Rourke dans le rôle de Motorcycle Boy. Ce qui est d’ailleurs normal puisque dans l’histoire le cadet rêve d’être comme son ainé qui, par conséquent, devait logiquement apparaître comme plus charismatique.

Mickey Rourke a un personnage sur mesure et en impose vraiment avec sa présence. Motorcycle Boy est un jeune voyou, ex roi du quartier qui parle comme s’il avait déjà vécu mille ans sur terre. Son mystérieux voyage lui a procuré une expérience de la vie sans pareille. C’est désormais devenu une sorte de fantôme errant et complètement désabusé qui n’a plus rien de l’idole que tous les jeunes du quartier admiraient à l’époque. C’est désormais devenu une sorte de poète sombre mais toujours sensible. Coppola le décrit comme « un intellectuel français à la Camus ». Sa veste contraste avec le look des autres voyous.

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 Si Dillon tient de James Dean, Rourke tient plutôt de Marlon Brando. Mais pas tellement du Brando rebelle de L’Equipée Sauvage, (malgré la moto) mais plus du Brando de Coppola (celui du Parrain et d’Apocalypse Now). Certains critiques comme Serge Daney ont osé la comparaison entre Mortorcycle Boy et le Colonel Kurtz. Deux idoles déchus qui après un mystérieux voyage sont devenus totalement désillusionnés. On ajoutera que Mortorcycle Boy parle à voix basse et calme un peu comme la voix étouffée et posée de Don Corleone dans Le Parrain. Mais plus que ça, on pourrait comparer le parcours de Motorcycle Boy à celui du vrai Brando. Une icône déchue qui fit jadis fantasmer les jeunes mais qui n’est désormais plus qu’un esprit qui erre sans but, et qui semble attendre la mort. Une fois de plus, Mickey Rourke crève l’écran et éclipse tout le reste du casting de par son charisme et sa personnalité extraordinaire.       

On retrouvera également avec plaisir la jeune et belle Diane Lane qui était déjà présente elle aussi dans Outsiders et qui interprète ici la petite amie de Rusty James.

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Mais le plus surprenant est de retrouver Dennis Hopper, ancienne icône du jeune rebelle avec Easy Rider, interpréter le rôle du père de Rusty James. Un  poivrot qui devient terriblement attachant, notamment lors de la scène avec ses deux fils où ils boivent et s’amusent ensemble. Hopper est presque méconnaissable physiquement mais signe une fois de plus une prestation assez barrée et pleine de talents.

Dans les petits rôles, on remarquera Nicolas Cage (neveu de Coppola), Chris Penn (le frère de Sean) et Laurence Fishburne. A noter aussi un petit rôle pour Sofia Coppola la fille du réalisateur.

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Coppola signe donc un film magnifique et personnel dans la lignée d’Outsiders. Pour le cinéaste, le sujet de Rusty James c’est le temps. Le temps qui passe à toute allure qui est d’ailleurs illustrée par l’horloge du début et qui représente l’enfance qui passe à toute allure avant le passage à l’âge adulte. On retrouve donc là le même sujet que le film précédent. Mortorcycle Boy a lui déjà effectué ce passage à l’âge adulte. Il n’est plus le jeune loubard roi du quartier. Il ne prête presque plus attention aux tags sur les murs dédiés à sa gloire passée. Pourtant Motorcycle Boy est encore jeune (il n’a que 21 ans) mais son enfance est passée à toute allure (ce qui explique encore une fois l’horloge, car je le rappelle, le spectateur voit les choses telles que les perçoit Mortorcycle Boy). Coppola met en scène une enfance et une innocence consumée. Mais là où Rusty James se révèle être très personnel, c’est dans la relation qu’il décrit entre le héros et son grand frère. Rusty James voue une admiration sans bornes pour son ainé. Coppola avoue avoir été dans la même situation. Il dédie d’ailleurs le film à son grand frère August. C’est pourquoi, on a là encore envie de dire que Rusty James est un film trop personnel pour être analysé à sa juste valeur. Mais toujours est-il que c’est une œuvre qui nous parle une fois encore du passage à l’âge adulte, l’enfance consumée en peu de temps, les vieux mythes qui s’écroulent…

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En ce sens Rusty James reste un film fascinant, aussi bien sur le visuel que sur le fond.

A sa sortie, le film sera un échec. Sans doute trop personnel et trop stylisé pour le public des années 80.

Pourtant c’est sans aucun doute l’une des plus belles réussites du réalisateur. Rusty James aura d’ailleurs beaucoup d’influence. Notamment sur Gus Van Sant qui reprendra l’effet des nuages qui défile en accéléré. Dans Malla Noche il reprenait la même esthétique et dans Drugstore, son Matt Dillon rappelait Rusty James. On pourrait aussi évoquer La Liste de Schindler qui utilise un effet assez semblable lorsqu’il introduit la couleur rouge dans le noir et blanc.

Rusty James est donc un chef d’œuvre pur, une nouvelle réussite du maître qui mérite de figurer dans son top 5.   

   

Note : 18/20

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Commentaires
V
à James: comme on le disait plus haut avec Borat et Oliver c'est une période de Coppola injustement oubliée
J
Mais c'est grisant, de lire des chroniques pareilles ! Et moi qui avait piteusement tenté le moyen L'homme sans âge, les grands crus de Coppola m'étaient toujours inconnus. Merci pour la découverte, je me procurerai l'oeuvre sous peu.
V
à Borat: Honnêtement je te le conseille. Surtout si tu as aimé Outsiders. Bien que ce soit différent dans le fond.
B
J'ai un peu honte: cela fait plusieurs années qu'il trône sur mes étagères. Je n'arrive pas à me lancer. :(
V
à Tina: Oui au final c'est vrai
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