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16 décembre 2014

Le Parrain

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Gangsters, Drame, Polar

Année : 1971

Public : Interdit aux moins de 12 ans

Durée : 2H50

Nation : USA

Réalisateur : Francis Ford Coppola

Acteurs : Marlon Brando, Al Pacino, Robert Duvall, Diane Keaton, James Caan, Sterling Hayden, John Cazale, Talia Shire, Franco Citti

Synopsis : 1946, à la fin de la seconde guerre mondiale, le Colonel Michael Corleone, héros de guerre, rentre chez lui à New York pour rejoindre les siens. Le puissant clan Corleone, dirigée par Don Vito Corleone, fait partie des « cinq familles de New York » appartenant toutes à la Mafia.  Michael présente sa famille à Kay sa petite amie. Il ne semble pas vouloir suivre les chemins du crime comme son père et ses frères. Mais les évènements vont se précipiter. L’arrivée du trafiquant de drogue Virgile Sollozzo va déboucher sur une guerre de gang qui verra toutes les familles se liguer contre les Corleone. Michael devra donc s’impliquer pour sauver sa famille. 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Existe t’il un film plus culte que Le Parrain ? Monument cinématographique réalisé par Francis Ford Coppola en 1971. On ne présente plus ce chef d’œuvre et classique du cinéma américain qui a changé la face du cinéma. Pourtant le Parrain reste l’aboutissement du combat acharné d’un jeune réalisateur contre les tout puissants producteurs. Quelque part Le Parrain est un symbole, l’étendard du nouvel Hollywood des années 70. Le film qui permettra à des réalisateurs tels que Coppola, Scorsese, De Palma, Friedkin et autres de faire carrière.

L’audace de Coppola a tout simplement été le pilier du Nouvel Hollywood. Le tournage du Parrain illustre donc sa lutte pour la créativité artistique aux Etats-Unis. Mais resituons d’abord le contexte.

Le nouvel Hollywood n’est pas non plus l’œuvre de Coppola, le mouvement a commencé à la fin des années 60 avec des films tels que Bonnie and Clyde d’Arthur Penn et Easy Rider de Dennis Hooper. Place aux nouvelles tendances, à un nouvel Hollywood très influencé par le cinéma européen. Les films de Bergman, La Nouvelle vague française, le néoréalisme italien… Les jeunes réalisateurs veulent du renouveau, un cinéma plus audacieux, engagé et critique.

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En 1969 Mario Puzo fait succès avec son roman Le Parrain qui décrit le monde de la Cosa Nostra soit la Mafia Italo-américaine de New York. Il y met en scène Don Corleone un vieux mafieux calme et froid qui contraste avec l’image du gangster façon Al Capone dont on avait l’habitude à l’époque.

Le livre fait parler de lui, et La Paramount décide, au début des années 70, d’en acheter les droits pour une adaptation. C’était un pari assez risqué, puisque les films de Gangsters étaient passés de mode. On était bien loin des années 30 où des films tels que L’Ennemi Public ou Scarface faisaient des cartons. D’ailleurs la Paramount avait déjà connu l’échec des Frères Siciliens avec Kirk Douglas.

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Pour la réalisation du film, la Paramount pensa assez vite à Sergio Leone avec qui ils avaient travaillé, et qui leur avait fait part de son envie de réaliser un film de gangster avec eux. Leone déclinera cependant l’invitation pour se consacrer à un autre projet de film de gangsters qui donnera naissance au superbe Il Etait une Fois en Amérique. Plus tard Le réalisateur avouera regretter ce choix. On raconte que Peter Bogdanovitch aurait également été approché. Cependant pour donner de la crédibilité au film, les producteurs pensaient qu’il était judicieux de confier la réalisation à un cinéaste avec des origines italiennes. Ils décidèrent alors de retenir Francis Ford Coppola, un jeune réalisateur auteur de 7 films.

Coppola avait commencé sa carrière avec des nudies (petit films semi-érotiques), avant de se mettre à travailler pour Roger Corman avec Dementia 13. Il participera également au scénario de Paris Brûle t-il ?.

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Il est ensuite repéré par la société de production indépendante Seven Arts qui lui propose un poste de scénariste. Peu de temps après, Seven Arts Fusionne avec la Warner. Il réalise ensuite Big Boy un petit film très influencé par la Nouvelle Vague française qui lui permet de se faire repérer et considérer comme un enfant prodige. Après cela, il réalise une commande, une comédie musicale intitulé La Vallée du Bonheur qui satisfait les studios. Coppola ambitieux décide de faire un film plus personnel, Les Gens de La Pluie. Ayant besoin d’argent, il fait croire à la Warner qu’il dispose d’un budget mais qu’il ne lui manque qu’un complément pour faire le film. En réalité il produira le film seulement avec le complément de la Warner. Ce fait montre déjà l’homme d’affaire et le manipulateur talentueux qu’est Coppola. Les Gens de la Pluie sera bien reçu. En 1969 à San Francisco, il décide de fonder avec ses amis Walter Murch et George Lucas, une société de production appelée American Zoetrope.

American Zoetrope doit devenir le pilier de la rebellion à Hollywood. L’union de jeunes réalisateurs qui veulent bousculer le système de production actuel et créer des films artistiques à grande échelle. Il prouve encore son sens des affaires et de la négociation en convaincant la Warner de produire les 7 premiers films de Zoetrope et notamment THX 1138 de George Lucas qui n’intéressait guère la Warner. D’ailleurs durant tout le tournage de THX 1138, c’est Coppola et non Lucas qui négociera avec les producteurs permettant ainsi que le film voit le jour. C’est bien de le rappeler car il n’y aurait clairement pas eu de THX 1138 sans Coppola et on peut même dire qu’il n y’aurait pas eu de George Lucas sans Coppola qui a été une sorte de grand frère protecteur pour ce dernier.

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C’est d’ailleurs pour Lucas que Coppola va se mettre dans la merde. En effet, THX 1138 sera tellement détesté par les studios, qu’ils exigeront un remboursement total de la part de Coppola. Zoetrope se retrouve endetté jusqu’au bout d’entrée de jeu. Cependant dés les années 70 la chance sourit au jeune réalisateur-producteur. Cette chance ? Un script coécrit en 1966 qui donna naissance au film Patton et qui vaudra à Coppola l’oscar du meilleur scénario, lui redonnant ainsi sa crédibilité auprès des studios.

Au début des années 70, la Paramount décide alors de retenir Coppola en tant que candidat pour réaliser Le Parrain. Un choix qui paraît surprenant puisque le jeune réalisateur est assez inconnu. Cependant il est Italo-américain et comme on l’a dit plus haut cela rend plus crédible le projet. Coppola est un réalisateur culotté certes, mais il est bon réalisateur, il est jeune oscarisé, il veut se faire une place et il est endetté. Pour la Paramount voilà donc le réalisateur talentueux qui fermera sa gueule et sera docile dans l’espoir de percer et de régler ses dettes. Il fera exactement ce qu’on lui dit. Autant dire que la Paramount ne sait pas sur qui elle est vraiment tombée. D’ailleurs à la base le réalisateur n’était pas trop chaud pour le film. « J’étais en plein dans la Nouvelle Vague et dans Fellini, comme tous les jeunes de mon âge. Le Parrain représentait donc tout ce que j’essayais d’éviter dans la vie » déclare t’il.   

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Coppola va tout simplement d’entrée de jeu s’engager dans une lutte avec la Paramount.

Premièrement, les studios veulent faire un film peu cher à 2,5 millions de dollars. Pour cela l’histoire qui se déroule initialement dans les années 40-50, doit être transposée aux années 70. Pour le rôle de Don Vito Corleone, Ernest Borgnine avec son look de dur fera très bien l’affaire. Quant à Michael Corleone, rien de mieux que Robert Redford qui est très en vogue. Voilà comment la Paramount voit le film. Coppola cependant ne l’entend pas du tout de cette façon.

Il tient à ce que l’histoire se déroule dans les années 40-50. Pour lui ce contexte d’après guerre est essentiel, de même que cette ambiance d’un New York sombre. Là encore grâce à son don pour la négociation et son acharnement habituel, Coppola va obtenir gain de cause après une longue lutte. Le film se déroulera bien entre les années 1940-1950.

 

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Que faire maintenant de Vito Corleone ? Ernest Borgnine ? Jamais ! Coppola veut tout simplement Marlon Brando. A ce propos, Puzo affirma qu’il avait écrit le personnage pour l’acteur et en pensant à lui. Pour les studios c’est niet ! Brando ne sera pas Don Corleone. La raison ? L’acteur s’est mis tout le monde à dos. Il a la réputation d’être à moitié fou et incontrôlable sur les tournages. Même l’autoritaire Lewis Milestone s’y est cassé les dents pendant la réalisation des Révoltés du Bounty (version 1962). De plus, depuis quelques années, Brando enchaîne pas mal de mauvais films. Il est « has-been », c’est un acteur fini, personne ne veut plus de lui. Mais Coppola insiste, il veut que Brando auditionne pour le rôle. La production est formelle, C’est non ! Pas même une audition. Coppola va donc inviter secrètement l’acteur aux studios. Ce dernier est donc vêtu du costume et sur-maquillé, avec une moustache postiche en prime. Sur le plateau Brando déconne, il s’empare de deux mouchoirs et se les collent sous les joues. « Je veux lui donner l’air d’un bouledogue » déclare t’il, sous les rires de l’équipe, il se met soudain à prendre un voie cassée et étouffée. En quelques secondes, Brando vient de créer les mimiques d’un des personnages les plus cultes de l’histoire du cinéma. Entre temps, Charles Bluhdorn, directeur de Gulf+Western débarqua et fit une crise de rage en apprenant que Brando était ici. Lorsqu’il se précipita au studio, il se retrouva nez à nez avec un Don Corleone parfait, il fut impressionné avant de reconnaître l’acteur  derrière le maquillage. Et c’est ainsi que Brando fut accepté.

 

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Pour le rôle de Michael Corleone, le studio voit Robert Redford. Coppola refuse. Alors Ryan O Neal ? Non plus. Non pas que les deux hommes soient mauvais acteurs, mais ils n’ont clairement pas le profil requis. Coppola pense alors à Al Pacino qui s’est fait repéré dans Panique à Needle Park de Jerry Schatzberg. Mais les studios ne veulent pas de ce « nabot ». Coppola leur fait tout de même remarquer que dans la Sicile ou dans le Little Italy, on ne trouve pas tellement de grands blonds aux yeux bleus comme Redford ou O Neal, mais plutôt des petits bruns typés comme Pacino. Le réalisateur finira une fois de plus grâce à son acharnement à faire accepter Pacino. Cependant l’acteur marchera sur un fil d’équilibre pendant longtemps. Les studios étant à l’affût du moindre faux pas pour le virer. C’est finalement la scène du meurtre dans le restaurant qui convaincra la production du talent de l’acteur.

Le tournage commencera en 1971. D’entrée de jeu des difficultés se présentent. Des pressions de la ligue de défense des droits civiques des Italo-américains qui accusait le film de dresser des clichés sur les américains d’origine italienne en les présentant tous comme des gangsters. Le comble étant que le président de l’association était en réalité Joseph Colombo, un affilié à la Mafia.

 

7,5

 

Coppola doit serrer la ceinture, les studios veulent limiter le budget au maximum. Le réalisateur connaît très bien ce jeu et va user d’une technique vraiment audacieuse mais qui va payer. Coppola savait par expérience que le réalisateur,  lorsqu’il est confronté à un budget plutôt serré, cherche à limiter les dépenses au maximum. Malgré cela, arrivé vers la fin de tournage, souvent le réalisateur n’a plus le budget nécessaire pour tourner les dernières scènes. Il demande alors une rallonge que les studios refusent presque toujours, tout simplement parce qu’ils partent du principe que le film a presque toutes ses scènes et que donc on peut en tirer quelque chose sans avoir besoin de tourner des séquences supplémentaires coûteuses (à la limite on donne juste une bagatelle pour combler quelques trous).

 

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Coppola est parfaitement conscient de cela et son stratagème sera le suivant. Il décide de griller tout le budget d’entrée de jeu, s’offrant des décors couteux et des séquences ambitieuses dés le début du tournage. Les studios sont piégés, tout simplement parce que le film n’est composé que de quelques séquences et que même si le budget est flambé, on ne peut rien tirer des scènes isolées que l’on a. Ils sont donc obligés de faire une belle rallonge pour espérer voir le travail de Coppola déboucher sur quelque chose d’utilisable et de vendable. Et le réalisateur va reproduire ce petit jeu à plusieurs reprises faisant ainsi considérablement augmenter le budget du film. Stratagème très malin mais culotté et très risqué. En effet, à plusieurs reprises, les studios furent sur le point de virer Coppola. Mais le réalisateur savait les tenir en respect grâce à son grand sens de la négociation et à ses talents. Cependant Coppola décrira le tournage comme une lutte incessante acharné et épuisante contre les studios.    

 

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Malgré toutes les difficultés, le jeune réalisateur signe une réalisation absolument somptueuse. C’est bien simple, on a l’impression d’un mariage visuel entre Orson Welles et Luchino Visconti. Oui Le Parrain est un film magnifique. La mise en scène du film fut cependant beaucoup critiquée par les producteurs qui pensaient que le public serait vite emmerdé par des scènes filmées dans le noir dans lesquelles on ne voyait rien selon eux. C’est pourtant ce qui fera l’ambiance du Parrain et son succès. Ces fameuses scènes de rituels siciliens dans des salles plongées dans une obscurité puissante et baroque.

Bien évidemment, outre les scènes de rituels, Le Parrain c’est aussi des scènes de meurtre. Les assassinats sont mis en scène dans la pure tradition des opéras théâtraux (sans se priver pour autant de réalisme). La mort de Luca Brazi, l’attentat contre Don Corleone (où l’on voit d’abord les jambes des tueurs accélérer peu à peu), le meurtre du restaurant (avec le bruit d’une locomotive pour évoquer le stress de Michael), la boucherie au péage, la purge finale. Autant de scènes qui restent en mémoire.

 

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On évoquera aussi la fameuse scène de la tête du cheval qui reste la plus mythique. Cette scène est l’une des plus réussies. Débutant dans une ambiance calme (alors que le spectateur sait qu’il va se passer quelque chose), la musique démarre peu à peu, puis au fur et à mesure que le personnage du producteur de cinéma réalise ce qui lui arrive, une autre musique vient s’imbriquer sur la première. Le suspense est donc remarquablement bien dosé jusqu’à la chute finale de la séquence.  

Le Parrain se veut aussi très musical. Beaucoup de scènes de danse pour deux mariages célébrés dans le film.

Des séquences dramatiques également comme la mort de Don Corleone qui est l’une des plus belles scènes de mort que j’ai vu dans un film.

 

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On en finirait pas de vanter les mérites de la réalisation de Coppola, toujours est-il que le réalisateur profite pleinement de l’époque de son œuvre et signe une mise en scène somptueuse et baroque d’une beauté saisissante.

D’ailleurs au niveau des décors, le film est également très réussi. Ce New York baroque et mythique de la fin des années 40 se transforme peu à peu et perd aussi de son charme mythologique dans la seconde partie qui se déroule dans les années 50. Il est d’ailleurs intéressant de noter les éléments dans les décors qui vous renvoient sans cesse à l’époque (des journaux d’après guerre, les costumes, une affiche d’un combat de Jake Lamotta…).

Le Parrain s’offre également des dialogues cultes :

« Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser »

« C’est ta cervelle ou ta signature qui parafera le contrat »

« Un homme qui ne s’occupe pas de sa famille n’en est pas un »

 Mais que serait Le Parrain sans son casting fabuleux que nous avons déjà évoqué plus haut.

 

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Commençons par le rôle titre, celui de Don Vito Corleone interprété par Brando. L’acteur est remarquablement grimé, à tel point qu’il est presque méconnaissable. Brando est le Parrain ! Il signe ici ce qui est l’une des plus grandes performances de sa carrière. Comme je l’ai déjà dit plus haut, on est ici bien loin des interprétations habituelles de gangsters violents et nerveux. Don Corleone est un personnage calme, raisonné qui apparaît même comme sage (malgré le fait que ce soit un mafieux). Brando donne toute la puissance à ce personnage avec sa voix étouffée (surtout en VF) et son accent sicilien. La scène d’ouverture suffit déjà à instaurer la puissance et la carrure du personnage. Je pense également à la scène où Don Corleone contemple le corps de son fils Sonny et dans laquelle Brando parvient à véhiculer toute l’émotion du personnage avec son visage. On citera également la séquence avec son petit fils juste avant sa mort. Mais sa prestation est parfaite d’un bout à l’autre, difficile de sortir une scène en particulier. Brando signe une énorme performance qui établit son personnage comme l’un des plus cultes de l’histoire du cinéma. L’acteur recevra d’ailleurs un oscar pour le rôle. Oscar qu’il refusera par soutien pour la cause des indiens d’Amérique. Il envoie donc Sacheen Little Feather, une indienne pour tenir un discours sur les mauvais traitements infligés aux indiens d’Amérique par le gouvernement américain. Au sujet de ce rôle, Brando déclara « j’ai connu des mafieux. Tous m’ont dit qu’ils avaient beaucoup aimé le film parce que j’y jouais le Parrain avec dignité. Aujourd’hui encore, je ne peux pas payer ma note à Little Italy ».

 

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Venons en ensuite au rôle de Michael Corleone le « héros » de l’histoire. Une fois encore il fut difficile à Coppola de faire accepter Pacino par les studios, mais les talents du jeune acteur auront raison de l’Establishment. Pacino signe lui aussi une prestation remarquable. Il a notamment la chance d’avoir un personnage qui évolue beaucoup au long du film. D’abord un jeune héros de guerre qui veut rester distant du grand banditisme, mais qui va devoir se salir les mains pour sauver sa famille. Son voyage en Sicile le mène à une histoire d’amour qui se conclura de manière tragique. Steven Spielberg notait alors à juste titre en commentant le film, que si l’on regarde le Michael après son voyage en Sicile, on a déjà le Michael Corleone du second volet. Pacino parvient donc à nous faire passer de ce jeune homme un peu naïf, bon et quelque peu fragile à un mafieux froid, implacable, calculateur et impitoyable. On a déjà cité la scène du meurtre où l’acteur dans son rôle de meurtrier stressé joue à merveille. Mais une fois encore le plus notable de sa prestation reste la manière dont il parvient à faire évoluer subtilement les traits de son protagoniste.

Pour les rôles féminins, Diane Keaton, en tête, signe également une performance honnête (mais elle fera mieux dans le volet suivant). Elle interprète la compagne de Michael et va donc devoir faire face à l’évolution de la personnalité de son mari et à son ascension dans la Mafia New-Yorkaise. On retrouve ensuite Talia Shire (sœur de Francis Ford Coppola et la  future ADRIAAAAANN de Rocky), dans le rôle de la seule fille du Parrain et donc la sœur de Michael.

 

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Le reste du casting est également bien garni : Robert Duvall interprétant Tom Hagen l’avocat de la famille et fils adoptif de Don Corleone, le rôle lui va comme un gant. James Caan parfait pour le rôle de l’impulsif et violent Sonny, l’ainé de la famille. L’éphémère John Cazale a toute la bonhommie nécessaire pour interpréter Fredo. Gianni Russo interprétant le brutal et félon Carlo.

Mais même pour les seconds rôles, Le Parrain ne se contente pas de peu. Sterling Hayden pour interpréter le flic ripoux McCluskey. A ce propos, certains y voient une démystification du Cow-Boy qu’incarnait l’acteur à l’écran. Franco Citti très grand interprète italien et acteur fétiche de Pier Paolo Pasolini, incarne ici l’un des gardes du corps de Michael en Sicile. C’est d’ailleurs amusant de retrouver cet acteur, qui tenait les premiers rôles en Italie, dans un petit rôle ici. Mais Citti ne bénéficiait pas de la même renommée aux Etats Unis. N’oublions pas Richard S. Castellano, acteur au physique incroyable et inoubliable dans le rôle de Clemenza. D’ailleurs puisque nous évoquons le physique des seconds couteux, parlons de la sacré gueule qu’est Lenny Montana dans le rôle de l’infortuné Luca Brasi. Cet ancien lutteur professionnel de 1m98 aurait apparemment vraiment fait de la prison. Quoiqu’il en soit c’est un choix judicieux, car même s’il se fait expédier au bout de seulement quelques minutes de films, son personnage est devenu l’un des plus cultes de la série notamment grâce au physique et au naturel imposant de Montana. N’oublions pas Alex Rocco dans le rôle de Moe Green (personnage clairement influencé parle gangster Bugsy Siegel) et Abe Vigoda dans celui de Tessio. Mais personnellement l’un de mes seconds couteux préférés reste Al Lettieri que je trouve parfait dans le rôle de Virgil Sollozzo dit « Le Turc », un trafiquant de drogue qui va être à l’origine de la guerre des familles. Il a vraiment le look de gangster italo américain et colle parfaitement à ce trafiquant calme qui joue les hommes d’affaires mais qui est aussi un tueur sans pitié.

 

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Les seconds couteux du Parrain sont aussi nombreux que ceux d’un western spaghetti, on pourrait aussi évoquer Richard Bright dans le rôle d’Al Neri et bien d’autres. Joe Spinell a également un tout petit rôle dans le film en tant qu’homme de main (l’assassin de la porte tournante).

Une fois encore, Le Parrain s’offre un casting de luxe.

Mais il s’offre aussi une Bande Originale de luxe composée par Nino Rota qui était le compositeur attitré de Fellini. Sa musique est restée dans les annales. Les accords sont devenus très célèbres, et évoquent bien la Cosa Nostra dans ce qu’elle a de plus rituel.

Que dire alors d’un film tel que Le Parrain ? C’est sans aucun doute l’un des premiers à décrire la Mafia Italo-américaine. Point de grandes fusillades dans ce film, mais des meurtres crapuleux et des attentats. Contrairement aux vieux films de gangsters qui se la jouait parfois façon western, Le Parrain s’attache à démonter les mécanismes d’une organisation criminelle qui agit dans l’ombre par la pression, la corruption et le meurtre. Je ne pense pas qu’avant ce film, l’organisation de la Cosa Nostra avait été aussi bien dévoilée au cinéma. A ce niveau là, Le Parrain se veut une description des milieux de la Mafia et de ses rituels.

 

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Cependant, il convient de prendre aussi du recul et de comprendre qu’on est également dans le mythe avec la famille Corleone. Martin Scorsese lui-même reconnaît admirer le film de Coppola mais également le trouver parfois peu réaliste et trop mythologique dans sa description de l’univers de La Mafia. Au final Le Parrain s’offre un côté trop flamboyant et prête aux gangsters un code de l’honneur qui n’existe pas dans la réalité.

Mais plus qu’un film de gangsters, Le Parrain est avant tout un film de famille, tel que le décrit Coppola lui-même. On a même parlé du « Plus grand film de Famille de tous les temps ». Effectivement Le Parrain est avant tout un film sur la famille et sur les rapports de ses membres. En ce sens le personnage de Michael est très intéressant, puisqu’il apparaît comme le maillon différent de cette famille. Il reste en retrait et semble avant tout seul. Cet aspect sera d’ailleurs beaucoup plus développé dans le second volet. Le Parrain s’attache à des détails très justes. Et c’est peut être pour cela que le film mettant en scène une famille aux origines italiennes, fonctionne encore mieux en Europe qu’aux Etats Unis. Personnellement lors de la scène du mariage du début, j’ai parfois l’impression de revoir des tas de choses déjà vu lors des fêtes de famille. Parfois dans la bouche de certains protagonistes, on peut même trouver de phrases que l’on entendrait prononcer par certains membres de notre famille.

 

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C’est sans soute aussi pour cela que Le Parrain a eu autant de succès au-delà de ses qualités visuelles et de l’interprétation des acteurs.

Car oui, à sa sortie Le Parrain sera un raz de marée. Pourtant Coppola lui-même ne croyait pas au succès. Il aurait déclaré avant la sortie du film : « Je me suis planté. J’ai pris un roman populaire, bon marché et salace et j’en ai tiré quoi ? Une bande de types assis dans des pièces sombres en train de causer ». Il affirmait qu’en tant qu’artiste indépendant, il avait eu l’impression de se prostituer.

Mais le film fera largement son chemin. Encensé par la critique il touchera également le public et fera exploser les records au box office ! 81,5 millions de dollars sur le seul sol américain pour l’année 1972 ! Et 135 millions de dollars au niveau international. Le Parrain devient alors le premier film de l’histoire à franchir la barre des 100 millions de dollars, écrasant le record détenu depuis longtemps par Autant en Emporte le Vent.

Le film le doit également à son système de distribution novateur. En réalité, avant ce film, l’exploitation s’effectuait en plusieurs temps, d’abord dans quelques salles puis dans de plus en plus de cinémas (ce qui permettaient à des films qui ne marchaient pas bien à leur sortie d’avoir une seconde vie sur le long terme). Ici, Le Parrain fut distribué d’emblée à toutes les salles et tous les cinémas quel que soit leur catégorie. L’argent coule à flots et le film était déjà remboursé avant sa sortie en salles.

 

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Cet énorme succès permit à Coppola de rebondir et de remettre Zoetrope en surface. Il fut alors l’un des réalisateurs les plus en vues. On pourrait même dire qu’il était peut être déjà le roi d’Hollywood.

Le Parrain aura également une influence énorme sur la culture populaire. Le film va littéralement relancer un genre qui était mort : le film de gangsters. C’est ce film qui inspirera ceux de la génération de Coppola (Scorsese, De Palma) à faire revivre le genre sur l’écran.

Le Parrain fera également l’objet de multiples références, clins d’œil et parodies tout au long de l’histoire, si bien qu’il serait vain de tout citer. Cependant sur l’empreinte qu’à laissé le film dans la culture mondiale, je me sens obligé d’en citer une, que j’ai longtemps considéré comme une légende mais qui a été avancé par John Dickie, un spécialiste de la Cosa Nostra. Selon Dickie le terme « Parrain » n’existait absolument pas dans le milieu de la Mafia avant 1971 et il ne fut utilisé par les gangsters membres de la Cosa Nostra qu’après la sortie du film de Coppola. C’est dire à quel point ce chef d’œuvre a marqué.

Il est également à noter que dans le film les mots « Mafia » ou « Cosa Nostra » ne sont jamais prononcés.

 

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Indéniablement, Le Parrain est un chef d’œuvre et un monument du septième art. Un film ténébreux et dramatique digne d’un opéra italien. Il sera nominé pour dix oscars et en remportera trois, dont celui du meilleur film. Il reste régulièrement cité dans les tops des meilleurs films jamais faits, figurant souvent sur le podium (généralement juste derrière le Citizen Kane d’Orson Welles).

Bref un monument que tout le monde se doit d’avoir vu.      

 

Note : 20/20

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Commentaires
V
à Oliver: tout à fait j'en revoie à la chro publiée aujourd'hui.
A
la suite reste néanmoins de grande qualité
V
à Oliver: C'est vrai que l'image du Parrain est éternellement lié à Brando et tout comme toi c'est ce qui me ferait davantage penché vers le 1.
A
le 1er et le meilleur volet de la trilogie, tout du moins à mes yeux. Pour moi, c'est vraiment la présence de Brando qui fait la différence. Gros gros chef d'oeuvre tout de même
J
Vraiment très ludique à lire, ce dossier. J'avoue que je me suis davantage amusé sur l'ascension de Coppola et ses procédés pour faire son film que sur l'analyse en elle-même, qui souligne le travail colossal fait sur le film (et voir la trombine de Joe Spinell sur une des photos, je relève). Encore un travail énorme de recherche qui nous fait encore découvrir des infos sur l'un des films les plus connus du cinéma. Concernant mes préférences, je me rappelle avoir une faiblesse pour sa suite, peut être à recomparer.<br /> <br /> Et pour Brando, j'ai enfin vu Missouri Breaks. Nicholson y garde une certaine étoffe, mais c'est vrai que le Brando joue un salopard vraiment jubilatoire.
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