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12 décembre 2014

Moby Dick (1958)

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Aventure

Année : 1956

Public : Tous Publics

Durée : 1H58

Nation : USA/Royaume-Uni

Réalisateur : John Huston

Acteurs : Gregory Peck, Richard Basehart, Friedrich Von Ledebur, Orson Welles, Leo Genn.

Synopsis : Ishmaël, un jeune marin voulant retrouver le goût de la mer se rend au port de New Bedford. Une fois sur place il fait la connaissance de Queequeg, un indien cannibale originaire des îles du pacifique avec lequel il se lie d’amitié. Ensemble, ils s’engagent sur un baleinier nommé le Pequod qui s’apprête à réaliser un très long voyage en mer. Sur le navire, il règne une atmosphère étrange. Ishmaël comprend que la vie des matelots et l’issue du voyage sont entre les mains du redoutable Capitaine Achab. Un officier tyrannique et fou. Avide de vengeance, celui-ci a bien l’intention de pourchasser la démoniaque baleine blanche qui se fait appeler Moby Dick et qui lui a arraché sa jambe bien des années plus tôt.     

 

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Nous avons abordé sur ce blog le légendaire bouquin d’Herman Melville : Moby Dick. Ce livre, qui a marqué à jamais la culture populaire, a fait l’objet de plusieurs adaptations visuelles. Je choisis aujourd’hui de vous parler de la meilleure de ces adaptations, celle réalisé par John Huston en 1956.

Porter Moby Dick à l’écran c’est vraiment un défi osé et un pari risqué. Le livre est un monument de la littérature et on peut légitimement se demander s’il est possible de reproduire sa puissance à l’écran. Pour autant ce n’est pas la première fois que le défi est tenté.  En 1926 sortait une première version muette réalisée par Millard Webb, puis en 1930 Lloyd Bacon s’attaquait lui aussi à une adaptation. Cependant ces deux films n’étaient pas des chefs d’œuvres et se permettaient des infidélités totales au livre de Melville ce qui finissait par fausser la vraie vision de l’histoire de Moby Dick.

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En 1956, Hollywood a l’intention de s’offrir une adaptation digne de ce nom avec des gros moyens. Le réalisateur choisi n’est autre que John Huston. Choix pertinent. Premièrement parce que Huston était l’un des plus grands de l’époque, il avait signé des chefs d’œuvres tels que Le Faucon Maltais, Le Trésor de la Sierra Madre, L’Odyssée de l’African Queen et bien d’autres. Mais surtout il était peut être le plus à l’image de Melville. En effet, Herman Melville était un vrai dur, un aventurier qui avait touché à tout. Huston était lui aussi un dur, c’était un peu je dirais un pilier de bar d’Hollywood. Son cinéma était d’ailleurs à son effigie. Il était donc le meilleur pour réaliser cette adaptation. De plus Huston avait toujours rêvé de porter à l’écran le livre de Melville.

Le but du réalisateur est de reproduire une œuvre d’aventures qui se double d’une réflexion philosophique comme dans le bouquin. Dans la filmographie de Huston, Moby Dick est assez (trop) peu cité. C’est pourtant une réussite qui découle d’un pari osé.

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Au niveau de l’histoire, le film reprend bien évidemment les grandes lignes de l’œuvre de Melville. Cependant vu la longueur du bouquin, Huston (qui subissait aussi comme tous les réalisateurs hollywoodiens de l’époque une pression concernant la durée du film) a été bien obligé d’enlever plusieurs éléments. Par exemple le personnage de Fedallah n’apparaît jamais et la folie de Pip est à peine sous entendue.

Ce qui découle de tout ça, c’est une adaptation inévitablement appauvrie. Ne tournons pas autour du pot, on ne peut pas dire que le film de Huston parvienne à atteindre la puissance du livre. Ceci dit c’est plutôt mission impossible à moins peut être de réaliser une œuvre cinématographique de 6 heures. Pour autant le film parvient à être assez puissant pour susciter l’admiration. C’est pourquoi je le répète, c’est à tort qu’on le zappe de la filmographie de Huston.

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On peut déjà noter que le réalisateur, s’il reste en majeure partie fidèle au livre, s’approprie aussi l’histoire et y ajoute une touche personnelle.   

Il faut cependant savoir que le tournage fut extrêmement difficile pour Huston et son équipe. Ce qui est le cas de nombreux tournages en mer. A ce sujet il déclara « Le film comme le livre, est donc un blasphème, et on peut admettre que Dieu se soit défendu en déchaînant contre nous ces ouragans et ces vagues énormes ».

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Moby Dick est également l’une des plus grandes réussites de Huston sur le plan formel et visuel. Ici le cinéaste joue sur les couleurs et l’esthétique avec brio. En effet, il utilise un procédé très original qui consiste à combiner le technicolor et le noir et blanc. Par ce mélange il obtient la superbe teinte  de la sépia des gravures marines. 

Tout au long du film, Huston par sa réalisation entretient l’atmosphère métaphysique du livre. Il parvient à créer chez le spectateur cette sensation d’isolement maritime où la terre n’est plus qu’un lointain souvenir. Cette sensation devient de plus en plus pesante au fur et à mesure de l’avancement du film. D’ailleurs j’apprécie beaucoup que, fidèle au livre, il est conservé le début qui part de la campagne avant de nous entraîner pendant très longtemps en pleine mer.  

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Sur l’aspect technique, on peut là encore aborder le réalisme du film. Les costumes sont superbes, de même que les décors. Le Pequod est très réussi avec sa figure de proue en l’effigie d’un guerrier cannibale. Mais ce qui frappe le plus ce sont les baleines. Honnêtement l’animation de ces Léviathans est bluffante de réalisme. Si bien que parfois, on a l’impression d’avoir affaire à de vraies baleines. Les mauvaises langues pourront rétorquer que Huston prend soin de les filmer sans trop les montrer pour cacher leurs défauts techniques. Cette technique fait au contraire honneur à sa réalisation. C’est d’ailleurs dans cette même optique que des années plus tard, Steven Spielberg filmera le requin des Dents de la Mer. On ne peut donc que saluer le réalisme de ce film qui date quand même des années 50 et qui surpasse largement au final les images numériques de la version télévisée qui verra le jour dans les années 90. Ce réalisme lui permet même de très bien remplir l’un de ses objectifs (qui était aussi l’un des objectifs du bouquin), à savoir montrer de façon détaillé et réaliste la chasse à la baleine telle qu’elle se pratiquait au milieu du dix-neuvième siècle. Une reconstitution tout à fait crédible et épique.

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Car Moby Dick version John Huston, c’est aussi ça, de l’épique et du spectaculaire. J’ai déjà cité les scènes de chasse à la baleine mais on pourra aussi évoquer la scène de la tempête avec le feu Saint-Elme, qui est une scène dont l’ambiance peut même évoquer celle des films fantastiques de l’époque. Sans parler de la bataille finale avec la Baleine Blanche. Cet aspect spectaculaire est évidemment voulu par Hollywood, mais il vient également renforcer la puissance du propos.

Huston signe donc ce qui est l’une de ses plus belles réalisations. Mais il s’appuie également sur un superbe casting.

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On a en premier Richard Basehart dans le rôle d’Ishmaël qui, comme dans le livre, est le narrateur de l’histoire. On ne peut pas dire que l’acteur crève l’écran, mais il signe une performance tout à fait honnête. Son personnage se démarque d’ailleurs pas mal de celui du bouquin. Cet Ishmaël là, apparaît beaucoup moins cynique et beaucoup plus héroïque. Vous l’aurez compris, Hollywood a retapé le protagoniste à son image. Ce n’est pas forcément un mal. De plus dans le livre Ishmaël, s’éclipsait assez rapidement pour devenir uniquement narrateur et non plus personnage actif dans l’histoire. Ici on le voit donc prendre plus d’importance dans l’intrigue et dans les relations avec les autres personnages.

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En ce qui concerne le rôle de Queequeg, Friedrich Von Ledebur est tout simplement inoubliable. Son faciès en fait un indien cannibale totalement crédible (bien que l’acteur soit allemand). Il dégage une personnalité forte qui correspond bien au personnage de Queequeg. Cependant le film semble lui conférer un aspect chamanique qui le rend plus mystique que dans le livre. Quelque part ça le rapproche des clichés sur les indiens mais c’est franchement ludique. Au niveau physique, le personnage semble aussi rendu plus baraqué.

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Mais, à l’instar du bouquin, la grande star de ce film c‘est bien sûr le tyrannique et terrible Capitaine Achab. Pour interpréter ce personnage clé qui est le protagoniste principal, John Huston choisit Gregory Peck. Un choix qui a de quoi faire sursauter. Peck est incontestablement un bon acteur et même l’un des meilleurs de sa génération, là n‘est pas la question, mais il est habitué à interpréter des jeunes héros, braves, courageux et ayant le sens de l’honneur. Et même quand il interprète le bad guy dans Duel au soleil il reste un jeunot kakou et séduisant. Comment imaginer cet acteur jouer le rôle d’un vieux loup de mer déchiré par la haine ? A l’époque les studios prendront peur. Faut-il surmaquiller Peck pour le rôle d’Achab ? Là encore John Huston ne manque pas d’audace, il tient à conserver au contraire le plus possible les traits de Peck, rompant donc totalement avec l’aspect physique du bouquin qui décrivait un vieillard aux allures de mort-vivant. Quel résultat à tout cela ? Et bien on peut dire que Gregory Peck adresse un formidable pied de nez aux sceptiques de l’époque en interprétant ce contre emploi total avec beaucoup de puissance et de talent.

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L’acteur n’hésite pas à casser son image, jouant à fond. Son Achab reprend donc celui du livre mais le rend moins impulsif et plus glacial. Il faut l’entendre lancer des tirades telles que « Ne parlez pas ainsi de blasphémer mon garçon ! J’attaquerai aussi le soleil si un jour il s’en prenait à moi ! ». Ou encore « L’avez-vous vu matelots ! Son dos est comme une colline de neige ! ». Ce qui est intéressant, c’est que Peck et Huston se démarquent quelque peu du Achab du livre. Peck est phénoménal et s’approprie le rôle. Son Achab est dans un premier temps terriblement froid avant de gagner en hystérie et en folie tout le long du film. L’acteur se défigure totalement tout au long de l’histoire.

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Personnellement je considère ce rôle comme l’une des meilleures prestations de Peck avec celle Des Clés du Royaume. Car l’acteur se démarque totalement des ses rôles habituels. Huston a d’ailleurs le chic pour pousser ses interprètes à agir ainsi. On se souvient qu’Humphrey Bogart se démarquait totalement des ses rôles précédents dans Le Trésor de la Sierra Madre. Bref le pari était osé mais il est totalement réussi.

Dans le casting, on notera aussi la présence remarquable d’Orson Welles dans le rôle du père Mapple racontant l’histoire de Jonas et de la Baleine. Bien que son rôle soit court, Welles se montre parfait comme d’habitude, son jeu puissant d’adapte parfaitement au personnage.

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Pour ce qui est du fond, Moby Dick reste fidèle au livre. C’est une histoire d’aventure métaphorique où le voyage physique représente le voyage effectué à l’intérieur de soi et des ténèbres de l’âme humaine.

Mais aussi, on retrouve le côté blasphématoire du bouquin, à travers Achab pourchassant toujours cette Baleine Blanche symbole du châtiment divin. A ce propos, on retiendra une phrase d’Achab « Où sont passé les meurtriers ? Qui les condamnera ? Alors que le juge suprême lui-même devrait passer en jugement ».

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Bien évidemment la réflexion philosophique est loin, très loin même d’être aussi poussée que dans le livre. Mais elle est bien présente et bien que subtile, l’essentiel est là. Cette réflexion aurait sans doute était plus développée si ça n’avait pas été Hollywood, qui de par son aspect industriel, tenait d’abord à faire un film d’aventure jouant sur le spectaculaire et non sur l’approche philosophique. Mais clairement on ne regrette pas non plus ces séquences.

Moby Dick deviendra rapidement un film culte et un classique du cinéma. De toutes les adaptations du chef d’œuvre de Melville, ça reste de loin la meilleure. Surpassant largement ses prédécesseurs et aussi ses successeurs, comme par exemple la version télévisée de 1998 qui se voulait être plus fidèle au bouquin sur beaucoup d’éléments mais n’atteignait jamais la puissance du film de Huston.  

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Moby Dick est donc le film le plus injustement oublié de John Huston, pour moi il figure incontestablement dans son top 5. Un chef d’œuvre du vieil Hollywood. 

 

 

Note : 18/20

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Commentaires
V
à James: Oui un rand classique. Je me doute qu'on peut déceler quelques effets visuels en cherchant bien mais 'est vraiment pour pinailler ;)<br /> <br /> Pour l'animation je ne sais pas par contre.<br /> <br /> Merci pour la bannière :)
J
Tiens, je n'étais pas au courant pour la technique de retouche visuelle du film. Sinon, un vrai classique de ma collection que je revois avec toujours autant de plaisir. Au fil des visionnages, j'ai fini par bien repérer les maquettes, mais le boulot qui a été fait dessus est admirable. Je me demande encore comment les baleines ont été animées (je chercherai des détails). Un très grand film d'aventure en tout cas, et c'est tout à l'honneur du site de lui rendre hommage par une bannière digne de ce nom ;)
V
à Borat: Oui les SFX sont vraiment impressionnants, je pense que ce mélange noir et blanc et technicolor aide beaucoup aussi.<br /> <br /> On peut effectivement y voir un duel entre l'homme et la nature ou entre l'homme et Dieu. C'est une histoire qui peut revêtir plusieurs sens en fonction de chacun. C'est pourquoi j'en renvoie au bouquin que j'ai chroniqué et qui est plus complet à ce niveau là.
B
Un très bon film revenant sur la folie de l'Homme à vouloir tout dominer et son échec à dompter Dame Nature. D'autant que Gregory Peck en impose réellement et le film se tient encore dans ses SFX malgré les années.
V
à Oliver: la note maximale je ne sais pas, car le film est certes un chef d'oeuvre mais n'atteint pas non plus le niveau du livre.
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