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2 décembre 2014

Il Était une Fois en Amérique

 

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Catégorie : Cinéma

Genre : Gangsters, Drame

Année : 1984

Public : Interdit aux moins de 12 ans

Durée : 3H40

Nation : Italie, USA

Réalisateur : Sergio Leone

Acteurs : Robert De Niro, James Wood, Elizabeth McGovern, Tuesday Weld, Treat Williams, Joe Pesci

Synopsis : Dans les années 60, David Aoronson alias « Noodles » revient à New York après avoir été contacté par une source mystérieuse. Il se retrouve entraîné dans un étrange jeu de piste et comprend que son mystérieux contact le paie pour assassiner quelqu’un. Ce parcours le mène dans les endroits de son passé et là, il se rappelle de sa jeunesse délinquante dans le ghetto juif du Brooklyn, de Max, Œil en coin et Patsy ses amis, de son amour de toujours Deborah, de son premier meurtre qui le conduit pendant des années en prison. Puis il se rappelle de l’âge adulte, le grand banditisme, les attaques à main armée, le proxénétisme, les fumeries d’opium, la contrebande d’alcool dans une Amérique en pleine prohibition, les prises de position de son gang dans le syndicalisme, les règlements de comptes, les meurtres. Mais il se rappelle également de sa trahison qui coûta la vie à ses amis les plus chers et qui pèse sur sa conscience depuis trop longtemps.        

Analyse critique :

(Attention SPOILERS !)

Nous arrivons au Masterpiece de Sergio Leone, son projet le plus cher qui lui donna quinze années de travail intensif. Il Etait une Fois en Amérique véritable monument du septième art. Une fois encore ce projet est le fruit de plusieurs années de travail.

Il débute en 1967 en Italie. Leone est encore auréolé pour l’énorme succès de la Trilogie des dollars (Pour une Poignée de Dollars ; ...Et Pour Quelques Dollars de Plus ; Le Bon, La Brute et Le Truand) qui a remis en selle le western en créant un nouveau genre surnommé « western spaghetti ». Ces trois films sont exportés aux USA où ils rencontrent également beaucoup de succès. Les studios américains veulent désormais travailler avec Sergio Leone. Un rêve pour le réalisateur italien. Mais ce dernier en a assez du western et décide de tourner la page. Il veut s’attaquer au second genre mythique et emblématique du cinéma américain : le film de gangsters. Son but est de faire le rêve de milliers d’italiens en mettant en scène les immigrés originaires d’Italie qui débarquèrent aux Etats Unis et rentrèrent dans le grand banditisme (comme Al Capone entre autres). Pour la structure de son scénario, il choisit de prendre pour matériel le livre autobiographique The Hoods écrit par Harry Grey, un ex gangster. Il y mêle également un script de jeunesse intitulé Viale Glorioso. Il baptise son projet Il Etait une Fois l’Amérique et le propose à la Paramount qui rêve de travailler avec lui. Mais la Paramount n’est pas trop chaude, car à l’époque, ce que le public attend de Leone c’est d’autres westerns. La puissante société accepte donc de produire Il Etait une Fois l’Amérique à condition que le réalisateur fasse d’abord un western pour eux tourné en partie sur le sol américain. Leone réalisera donc Il Etait une Fois Dans L’Ouest posant ainsi la première pierre d’une trilogie consacré à l’histoire des Etats Unis.

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Après cela il revient sur son projet. Entre temps la Paramount, qui sait que Leone veut faire un film de gangsters, lui propose de porter à l’écran le roman de Mario Puzo, Le Parrain dont elle vient d’acquérir les droits. En effet la Paramount pensait qu’un réalisateur italien conférerait de la crédibilité à cette histoire de Cosa Nostra. Mais Leone décline l’offre (chose qu’il regrettera plus tard). En 1971 il réalisera un nouveau western Il Etait une Fois la Révolution (qu’il devait seulement produire à la base) et qui deviendra le second épisode de la trilogie sur l’Amérique (trilogie qui je le rappelle n’existe qu’en France, car notre pays hexagonal est le seul à avoir respecté la volonté du réalisateur en prenant le titre « Il Etait une Fois la Révolution »). Il produira également Mon Nom est Personne  (qui est son dernier engagement dans le western). A moins de compter également Un Génie, deux Associés et une Cloche, un autre western qu’il a produit. Mais durant cette période il a continué à travailler sur son projet et après 1973, il s’y consacre pleinement.

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Au fil des années le projet évolue, Leone affirme ne pas vouloir tourner un remake du Parrain. C’est sans doute pour cela qu’il changea les origines de ses personnages qui à la base, comme je l’ai dit plus haut, devaient être des immigrés italiens. Le gangster Italo-américain était devenu trop cliché au cinéma depuis le film de Coppola, Leone choisit alors de mettre en scène des gangsters immigrés originaires de l’Europe de L’Est et de confession juive, ce qui était déjà beaucoup moins courant au cinéma. De plus Harry Grey, l’auteur du livre, dont le vrai nom est Herschel Goldberg, était lui-même originaire de Russie et de confession juive. Il entame alors Il Etait une Fois L’Amérique qui sera traduit dans la majorité des pays par « Il Etait une Fois en Amérique » 

Leone ne veut pas faire un banal film de genre. Il affirme qu’il souhaite qu’Il Etait une Fois en Amérique soit au film de gangster ce qu’Il Etait une Fois dans L’Ouest avait été au western.

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Le réalisateur se lance alors dans son projet et pond un véritable monument de presque quatre heures. Il est à noter que les enfants de Leone ont également travaillé sur une version restaurée de plus de quatre heures qui fut présenté à Cannes en 2012 et qui fut réalisée par la cinémathèque de Bologne avec l’aide de la Film Foundation de Martin Scorsese. Cela dit je n’ai pas vu cette version donc je ne pourrais pas évoquer les 24 minutes supplémentaires de film disponibles depuis 2012.

Il Etait une Fois en Amérique narre donc l’histoire de David Aoronson alias Noodles, un vieux gangster revenu à New York pour un contrat et qui se remémore les grandes étapes de sa vie.

En réalité on pourrait dire que 3 parties s’entrecroisent durant tout le film. Je les traiterais non pas par ordre d’apparition mais par ordre chronologique de l’histoire. A savoir de la plus vieille époque à la plus récente.

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Première Epoque : 1922

Dans ce tableau Leone nous place dans les souvenirs de Noodles se rappelant son adolescence délinquante dans le ghetto juif du Brooklyn dans les années 20. Noodles et sa bande : Œil En Coin, Patsy et Dominic, vagabondent et effectuent des sales boulots pour Bugsy le caïd du coin. Noodles ne peut également pas détacher les yeux de Deborah, adolescente du quartier, fille d’un tenancier de Bar et sœur de Fat Moe. Mais dans un premier temps les sentiments amoureux ne semble pas réciproques. Mais surtout, Noodles va faire la connaissance de Maximilian Bergovitch alias « Max ». Ce dernier va marquer sa vie à jamais et devenir son meilleur ami. Max pousse la bande à Noodles à aller plus loin. Mais les choses vont mal tourner et Noodles se retrouvera en prison pour meurtre.

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Pour cette première époque, Leone livre un tableau très réussi des quartiers pauvres New yorkais des années 20. Quelque part, cette partie est sans doute celle qui est la plus inspirée de son scénario de jeunesse Viale Glorioso. On retrouve le portrait d’une jeunesse pauvre et délinquante dont la seule issue de secours semble être le crime. Leone signe une superbe réalisation, on retiendra volontiers certaines scènes : Celle où Noodles espionne Deborah à travers le Judas des toilettes, la première rencontre entre Max et Noodles, La scène de baise sur les toits payée par le brigadier du coin, Patsy ne résistant pas à la charlotte au fraises, l’idée ingénieuse de Noodles pour sauver la cargaison perdue des trafiquants d’alcool. Le réalisateur sait parfaitement mêler les sentiments dramatiques et humoristiques. Mais le cinéaste se veut aussi radical quand il s’agit de montrer la violence des quartiers, on retiendra le passage à tabac de Max et Noodles ainsi que le meurtre de Dominic qui est probablement l’une des meilleures scènes, montrant les protagonistes courir au ralenti vers la caméra accompagnés par la musique de Morricone. N’oublions pas le plan fabuleux de nos lascars marchant dans la rue avec en arrière plan l’impressionnant et emblématique pont de Brooklyn. 

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Au niveau du casting Leone fait donc appel à de jeunes acteurs. Scott Tiler interprète donc Noodles. Un choix à la fois compréhensible et surprenant. En effet, si Tiler signe une bonne prestation et a indéniablement un look et un faciès de voyou, personnellement je cherche encore une ressemblance quelconque avec Robert De Niro qui interprète Noodles adulte. Par exemple je trouve que Rusty Jacobs qui joue Max, très bien au passage, a tout de même un petit air avec James Woods qui joue le personnage adulte. On retrouve ensuite, la toute jeune et à l’époque méconnue, Jennifer Connelly qui avait à peine 13 ans. On peut remarquer que l’actrice semble déjà très à l’aise devant les caméras. Pour les fans inconditionnels vous verrez même une scène dans laquelle elle montre son cul. Je trouve d’ailleurs qu’elle aussi a quelques légers traits de ressemblance avec sa version adulte interprétée par Elizabeth McGovern. Pour le reste, le casting se compose d’Adrian Curran, Noah Moazezi, Mike Monetti, Amy Rider et Richard Fonronjy entre autres. On note aussi James Russo impeccable dans le rôle de l’impitoyable Bugsy.     

 

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Sur cette époque de 1922, on peut déjà voir le lien entre les personnages. L’histoire se centre avant tout sur deux relations. La première, est l’amour entre Noodles et Deborah. Au début Deborah semble rejeter Noodles et ne pas avoir de sentiments pour lui. En réalité on comprend bien vite qu’elle éprouve également de l’amour pour Noodles mais le provoque sans cesse et cherche à le faire changer de sa vie de voyou. Mais la relation la plus intéressante est l’amitié/rivalité entre Noodles et Max. Tout commence sur la rivalité pour une montre. Rivalité dans laquelle Max se montre plus talentueux que Noodles. Au final la confrontation avec le brigadier du quartier les rapproche et les fait devenir amis. On voit donc la grande amitié entre Noodles et Max s’installer et se développer. Mais derrière cette amitié sincère et réciproque, une teinte de rivalité entre les deux garçons. Max, comme l’époque de l’âge adulte le confirmera, est plus ambitieux et veut toujours aller plus loin alors que Noodles a plus tendance à mettre l’ambition de côté pour ses sentiments. Max détrône Noodles en tant que chef du Gang, il se montre également tout au long du film plus talentueux, plus rusé et meilleur que Noodles dans leur compétition désavouée. Malgré tout, il y’a une vraie amitié entre les deux. J’apprécie énormément la scène où Noodles entre en prison et que Max presque la larme à l’œil contemple avec désespoir le slogan de la prison « Les plus jeunes et les plus forts d’entre vous périront par l’épée ».

 

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Les dialogues de cette première époque, comme toujours avec Leone sont savoureux. J’ai envie de citer :

« Tombe le falzar une seconde et je vais t’enfiler encore un coup ! »

« Il est déjà 6h34 et je dois y aller ! » « Hola attend une minute ! Maintenant il est 6h35 et moi j’ai strictement rien à foutre »

« Je t’annonce que ton superbe luxe finit en miette à 6h36 »

« Ce pourri nous a piqué la montre à 6h37 »

« C’est mon oncle »

« Ta maman t’appelle »

«  Vous en faites quoi de tout ce sel ? » « Hé hé ! On vous évite que la note soit trop salée ! »

Cette époque de 1922 montre l’étendue du talent immense de Leone qui ne fait qu’aller encore plus loin dans la seconde époque.

 

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Seconde Epoque 1933 :

C’est la partie la plus consistante. Nous sommes toujours dans les souvenirs du vieux Noodles qui après s’être rappelé sa jeunesse se remémore l’âge adulte. Cette fois plus de petite délinquance, mais la pègre et le grand crime organisé. Pendant son séjour à l’ombre, son gang a pris de l’ampleur et donne désormais dans la contrebande d’alcool, les attaques à main armée et les fumeries d’opium. Max accueille son ancien comparse à la sortie de prison et le remet rapidement dans les affaires. Point d’honneur chez eux, le gang est prêt à tout pour l’argent. Y compris à se mettre derrière certains syndicats qui couvrent leur business en échange de soutien. Mais Max voit toujours plus gros et veut s’attaquer à la réserve fédérale. Pour Noodles la seule chose à faire est de vendre Max et ses amis à la police afin les faire incarcérer suffisamment longtemps pour leur ôter ce projet dangereux de la tête. Mais les choses tournent mal et ses amis sont abattus par la police. Noodles, désormais considéré comme une donneuse, doit quitter New York pour échapper aux tueurs qui sont à ses trousses. Mais tout l’argent du gang a été dérobé.

 

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En réalité le film s’ouvre sur la fin de cette époque. Lorsque Noodles après avoir vendu ses amis doit fuir New York pour échapper aux tueurs. La scène s’ouvre donc sur la musique God Bless America d’Irving Berlin qui annonce la fin de la prohibition. Trois tueurs surgissent dans la chambre de la femme à Noodles. Ce mythe des trois tueurs semble faire référence à ses westerns (Le Bon, La Brute et le Truand ; Il Etait une Fois dans L’Ouest). D’entrée de jeu, Leone joue remarquablement avec la lumière. Mais le réalisateur s’offre un véritable exercice de Style dans le théâtre chinois. Un décor qui peut rappeler La Dame de Shanghai d’Orson Welles. Le réalisateur profite une fois encore des ombres, des lumières des décors et de l’ambiance. On note également un flash back accompagné par la sonnerie permanente d’un téléphone, flash back dans lequel sous une pluie dense on voit Noodles découvrir les corps de ses amis qu’il a vendu.   

Par la suite, l’époque 1933 ne revient que longtemps après dans le film (après l’époque 1922). Au Moment où Noodles sort de prison. L’ambiance n’est plus la même que lors de notre premier contact avec cette époque au début du film. Le tout est beaucoup moins sombre, il est même flamboyant, à l’image des années 30 en Amérique.

 

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Là encore Leone régale les yeux. Parmi les scènes les plus cultes on pense évidemment au braquage de la bijouterie qui se termine par un « viol », à l’intimidation subit par le syndicaliste socialiste dans l’usine, la célèbre scène des bébés accompagnée par la Gazza Ladra de Rossini (certains y ont vu un clin d’œil à L’Orange Mécanique de Stanley Kubrick), Le jeu pour deviner l’identité du violeur, le repas avec Deborah, le viol de Deborah, La fusillade devant le restaurant, la dernière cérémonie avant la fin de la prohibition… Dans chaque scène on sent que Leone a un vrai souci du détail. Une fois encore on le sent très influencé par la tradition du film noir notamment dans sa façon de jouer sur l’ombre et la lumière. Le tout appliqué aux couleurs somptueuses du film (et non au noir et blanc) donne un rendu fabuleux.

Au niveau du casting, on peut compter sur de très bons interprètes. Comme je l’ai déjà mentionné plus haut, c’est Robert De Niro qui est dans le rôle principal de Noodles. Evidemment De Niro était l’acteur le plus en vogue de l’époque, et l’on ne comptait plus ses prestations extraordinaires à l’écran. Ayant déjà joué les gangsters (il lui faudra encore quelques films pour s’imposer comme une icône du genre) avec son physique marqué par ses origines italiennes, De Niro semblait être le Noodles idéal. Sa prestation, bien que n’étant pas sa meilleure, est comme d’habitude remarquable. Noodles semble avoir été marqué par la prison, ce qui en fait une bête de sexe virile (voir les viols qu’il commet dans le film). Il ne semble pas du tout animé par la même ambition que ses amis. Noodles semble avant tout suivre son chemin, cachant parfois sa fragilité. On est bien loin du gangster calculateur au sang froid puissant qu’il incarnait dans Le Parrain 2. Noodles n’est pas comme son ami Max. Il ne réussit pas tout ce qu’il veut malgré son statut de gangster. Au-delà de son calme apparent, il est au fond impulsif et réagit parfois avec ses sentiments, une faiblesse qui lui coûtera cher. 

 

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Pour le rôle de Max, Leone fait appel à James Woods. Ce dernier a lui aussi un visage de cinéma. Il est remarquable dans le rôle de Max, chef de gang ambitieux et calculateur prêt à tout pour l’argent. Max paraît se prendre parfois pour un demi-dieu. Il est également impulsif, mais lui de façon exacerbé et toujours pas rapport à son ego. On en découvrira davantage sur Max par la suite.

Elizabeth McGovern interprète elle Deborah adulte. Le personnage de Deborah devient actrice. Bien qu’elle soit attachée à Noodles, ce n’est pas lui qu’elle aime. La chance de Noddles semble être passée. McGovern signe aussi une très bonne prestation, notamment lors de la scène de viol.

On a ensuite Tuesday Weld qui joue la nymphomane Carol qui apparaît dans cette seconde époque et qui devient la compagne de Max. Carol apparaît d’abord comme la femme indépendante que rien ne peut atteindre. Mais plus le film avance plus on découvre l’emprise que Max a sur elle. Là encore l’actrice livre une bonne performance.

 

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Parmi les nouveaux personnages on trouve également celui de Jimmy Conway, interprété par Treat Williams. Il s’agit d’un syndicaliste socialiste avant tout intéressé par son combat. Il renie ses principes de bonnes mœurs et d’honneur en acceptant de pactiser avec des gangsters pour faire avancer son combat et avoir une carrière en politique. Là encore Treat Williams s’en sort plus que bien.                

On notera aussi un petit rôle pour Joe Pesci, future icône du genre gangsters. Pesci joue le caïd Frank Minoldi, son rôle bien que mineur est remarqué de par le talent de l’acteur et son faciès exceptionnel.

Petit rôle notable de Burt Young également qui se retrouvera vite avec une balle dans la tête.

 

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On retrouve ensuite James Hayden et William Forsythe pour interpréter Patsy et Œil en coin adultes.

A noter aussi la présence de Richard Bright en second couteau. Une icône que l’on retrouve dans plusieurs films de gangsters. Ce qui n’a rien d’étonnant vu son visage. Il a d’ailleurs tenu le rôle d’Al Neri dans la trilogie du Parrain

Mais n’oublions pas aussi la présence de Sergio Leone lui-même dans le rôle d’un chef de gare.

Dans cette partie, le réalisateur développe encore les relations entre Noodles, Max et Deborah. Cependant il réalise que Deborah sa bien aimée de toujours a perdu son amour pour lui, ce qui se termine forcément mal. Mais le plus intéressant reste l’amitié/rivalité qui lie sans cesse Noodles et Max. Malgré des différends rien se semble pouvoir les monter l’un contre l’autre. Jusqu’au moment où Max se met en tête d’attaquer la réserve fédérale. Leur amitié en pâtit alors. Leone nous place dans la tête de Noodles  qui est pris dans un dilemme : laisser mourir ses amis dans un projet complètement fou, ou tenter de les sauver en les trahissant. L’issue sera tragique pour Noodles.

 

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Mais Leone ne se concentre pas uniquement sur ses personnages mais aussi sur l’époque qu’il décrit. Une époque flamboyante en pleine prohibition dans laquelle la clandestinité devient glamour. Mais il évoque aussi l’horizon politique en montrant le pacte conclu entre les syndicats et la pègre. On retrouve là la vision Leonienne du monde politique et de l’idéologie. Le cinéaste ne croit pas en l’idéologie qui cache toujours un profit à ses yeux. « Mon père était socialiste, ce qui a fait de moi un socialiste désabusé, et cette désillusion se retrouve dans mes films » déclare t’il. On peut y voir ici la revanche sur la figure paternelle, le syndicaliste socialiste s’alliant finalement au grand banditisme reniant ses principes pour son combat mais également pour une carrière en politique. On retient d’ailleurs la phrase du personnage de Conway «  ce qui est rageant c’est que vous avez obtenu plus en une nuit que moi en deux ans de négociations »

 

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Durant cette partie qui est la plus longue, Le réalisateur dresse donc un portrait magnifique, somptueux des années 30 en Amérique. A mi-chemin entre le rêve et la réalité.

Là encore cette époque regorge de citations croustillantes, qui ne représentent pas grand-chose certes, si on ne les associe pas à leur situation et à leur contexte:

« T’es pas devenu pédé en prison Noodles ? »

« Ta maman t’appelle »

« Aucun problème. Un jeu d’enfants »

«  Ça te dirait d’aller te baigner ? »

« Voyons si tu es physionomiste »

« Qui a dit que je savais pas parler aux femmes ? »

« Tu vas nous faire des pas de géants et ce que tu es où non une jambe raboté »

« Vous imaginez ‘’Jimmy les mains propres’’ traitant avec nous ? » « Elles ne vont pas le rester bien longtemps avec celles qu’il va devoir serrer »

« T’es cinglé ! » « Ne me redis jamais ça Noodles ! Ne me redis plus jamais ça ! »

Cette seconde époque constitue la majeure partie du film. Mais tout comme Il Etait une Fois dans L’Ouest montrait un Ouest américain touchant à sa fin, Il Etait une Fois en Amérique montre une Amérique en plein grand banditisme toucher vers sa fin en même temps que la prohibition.

 

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Dernière époque : 1968

Dans cette époque, on suit un vieux Noodles qui revient à New York après avoir été contacté par une mystérieuse personne. Il se demande qui l’a contacté et pourquoi ? Noodles rend visite à Fat Moe qui tient toujours son bar dans le ghetto juif. Noodles soupçonnait Fat Moe d’avoir pris le million de dollars que le gang gardait dans une cantine, mais constate qu’il n’en est rien. Par la suite il va se recueillir sur la tombe de ses anciens amis qu’il a vendu. Là, il découvre les clés de la cantine située à la gare, dans laquelle il cachait leur argent. Noodles y trouve alors une valise remplie de billets avec un contrat sur la tête d’un personnage important : le secrétaire Bailey. Ce dernier fait l’objet d’une commission d’enquête qui défraie la chronique. Durant sa quête, Noodles finit également par retrouver Carol, l’ancienne épouse de Max ainsi que Deborah son amour de toujours qui est toujours une actrice et qui est aussi devenue la maîtresse du secrétaire Bailey. Noodles se rend à une réception organisée par ce dernier pour remplir son contrat (ATTENTION GROS SPOILERS, CEUX QUI N’ONT PAS VU LE FILM, SURTOUT NE LISEZ PAS LES PARAGRAPHES SUIVANTS REPORTEZ VOUS A LA MENTION « FIN DES GROS SPOILERS »)

 

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Noodles rencontre le secrétaire Bailey et découvre qu’il s’agit en réalité de Max son ami de toujours qui est bien vivant. Ce dernier entretient des liens avec la Mafia et la commission dont il fait l’objet fait peur à la pègre qui, craignant de le voir les dénoncer, veut l’éliminer. Max explique qu’il n’acceptera son meurtre que d’une seule personne : Noodles. Mais ce dernier refuse. Max lui explique alors qu’en réalité, il l’a manipulé et que c’est en fait lui le traitre qui est responsable de la mort de ses amis et de son exil. Max a volé la vie et la fortune de Noodles. Malgré cette confession Noodles en souvenir de leur amitié choisit de ne pas tuer Max, mais ce dernier finit par se suicider. En sortant Noodles voit des gens fêtant la fin de la prohibition et se remémore le soir de sa « trahison » lorsqu’il était dans une fumerie d’opium.   

La première image de cette époque s’ouvre avec Yesterdaydes Beatles. Une façon élégante de nous faire comprendre que nous sommes dans les années 60. Leone nous met en scène une New York différente de celle qu’il va montrer en flash back. Une New York des années 60 que le réalisateur nous montre comme une ville qui a perdu son charme et sa magie. Là encore on ne peut que vanter sa réalisation. La scène où Noodles se recueille sur la tombe de ses amis, les retrouvailles avec Deborah et bien sur la confrontation finale avec Max.

 

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Pour ces scènes Leone peut donc évidemment s’appuyer sur le casting de la seconde époque. On retrouve Robert De Niro, James Woods, Elizabeth McGovern, Tuesday Weld et treat Williams entre autres.

De Niro joue donc un Noodles vieilli et assagi par les années. C’est beaucoup plus sa curiosité qui le pousse à revenir à New York qu’autre chose. C’est également un Noodles désabusé qui retrouve son amour Deborah. C’est ce même Noodles qui retrouve Max qu’il croyait mort. On remarque que le personnage est devenu plus cynique notamment lorsqu’il s’adresse à son ancien ami Max. Il ne montre que peu d’émotions et continue à l’appeler avec beaucoup d’ironie « Monsieur Bailey ». Là encore la performance de De Niro est exceptionnelle. C’est dans ce Noodles vieillit qu’il est encore plus formidable. Mais il montre aussi sa façon de varier les élèments. Son interprétation de ce personnage sur deux époques est incroyable.

James Woods campe un Max sombre et détruit par le temps. Malgré sa trahison qui lui a rapporté beaucoup, Max apparaît quelque part rongé par le remord. Ce qui peut aussi expliquer son geste final. A mes yeux James Woods trouve là le rôle de sa vie.

Elizabeth McGovern est superbe également en Deborah vieillie et elle aussi désabusé. « Le temps m’a flétri Noodles, on a vieilli tous les deux » déclare t’elle à celui qui l’a toujours aimé. Deborah, qui connaissant la vérité, tentera de l’épargner à Noodles.

 

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Un des personnages intéressant également est celui de Jimmy Conway, toujours incarné par Treat Williams. Ce dernier est bel et bien devenu un politique, un opportuniste et un businessman. Lorsqu’il le voit à la télévision Noodles déclare d’ailleurs « il ressort toujours les mêmes conneries». Conway le petit syndicaliste socialiste dit « Jimmy les mains propres » a fait du chemin et est devenu « l’avocat du diable ». Là encore on voit la désillusion de Leone par rapport à la politique.

On peut ici aussi dénombrer d’excellentes répliques :

« J’aurais misé tout ce que j’avais sur toi ! » « Et t’aurais tout perdu »

« T’as fait quoi pendant toutes ces années ? » « Je me suis couché de bonne heure »

« Le temps ne pourrait la flétrir… Cela a été écrit pour toi »

« Je vieillit, ma vue a baissé, je ne voudrais pas vous rater Monsieur Bailey »

« Fallait être cinglé !» « Je te signale que tu m’as dit mot pour mot cette phrase il y’a bien des années. Pour ma part j’avais jamais été aussi lucide de toute ma vie. Je t’ai volé ta vie, je l’ai vécue à ta place. Je t’ai pris ton argent, je t’ai pris Deborah. Tout ce que je t’ai laissé c’est trente cinq ans de remords pour m’avoir fait tuer. Alors pourquoi tu tires pas ? »

« Il est dix heures et quart, et j’ai plus rien à perdre »

« J’avais un ami, et maintenant il est mort mais en fait c’est ce qu’il voulait »

Cette Amérique de 1968 est donc la contradiction de celle de 1933. L’aspect mythologique s’est perdu, les personnages (et Leone) sont sortis du rêve qu’incarnaient ces années 30. La désillusion de voir que cette époque n’est plus flamboyante, la désillusion de voir que la prohibition est finie, la désillusion de découvrir que c’est Max le traitre qui a craché sur une amitié de toujours pour la fortune. Quelque part on retrouve de la nostalgie.

 

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Je trouve que deux scènes évoquent très bien ce sentiment. La première : celle où Max confesse tout à Noodles et que celui-ci revoit rapidement leur jeunesse défiler. Mais aussi la scène où après le suicide de Max, Noodles resté sur le bord de la route voit une voiture passer, avec à son bord, des gens heureux fêtant la fin de la prohibition. Il y’a tellement d’ironie dans cette scène.

La scène finale est également somptueuse, on voit en flash back, Noodles en 1933 après avoir « trahi » ses amis, aller se droguer dans une fumerie d’opium. A ce moment là, Leone fait un plan qui est clairement un clin d’œil à une image de Claudia Cardinale dans Il Etait une Fois dans L’Ouest. On voit De Niro étendue, ivre d’opium afficher soudainement un large sourire. Et si tout cela n’avait été qu’un rêve ? C’est la théorie soutenu par certain fans du film, à laquelle on peut ajouter une citation de Leone : « Pendant que Noodles rêve comment sa vie pourra être, et qu’il s’imagine son futur, il me donne la possibilité à moi, metteur en scène européen, de rêver à l’intérieur du mythe américain. Et c’est cela, la combinaison idéale. On marche ensemble. Noodles avec son rêve. Et moi avec le mien. Ce sont nos deux poèmes qui fusionnent. Car, en ce qui me concerne, Noodles n’est jamais sorti de 1933. Il rêve tout. Tout le film est le rêve d’opium de Noodles à travers lequel je rêve les fantômes du cinéma et du mythe américains »

 

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(FIN DES GROS SPOILERS)

Il Etait une Fois en Amérique est le fruit de quinze années de travail, ce qui explique la qualité exceptionnelle de ce chef d’œuvre.

La réalisation de Leone est parfaite. Une fois de plus le réalisateur s’appuie sur le flash back (ce qui est récurent dans la trilogie de l’Amérique). Mais ici le présent n’est plus un repère linéaire comme dans les deux films précédents. On a une structure éclatée qui rappelle parfois le monumental Citizen Kane d’Orson Welles. Leone gère donc trois époques à la fois et parvient à garder un contrôle total. Il use sans arrêt de fondus enchaînés remarquables pour nous faire voyager à travers les différentes époques. C’est subtil et très bien foutu. On citera celui qui via un miroir de gare nous amène de 1933 à 1968, celui qui nous fait passer des yeux de Max à ceux de Noodles, l’un devant la prison, l’autre devant une tombe. Le mouvement du frisbee lancé qui se coordonne au mouvement de la valise emportée par Max 35 ans plus tôt… Une fois de plus le maestro nous fait part de son talent.

On citera également les décors prodigieux du film. Ici Leone a fait appel à son collaborateur de toujours, Carlo Simi. Ce dernier contribue largement à la beauté visuelle du film. Du ghetto miteux et misérable des années 20 avec pour fond de toile un vieux pont de Brooklyn monumental. En passant par une New York Flamboyante et clandestine pleine de lumière et de fantasme. Pour finir sur une New York trop moderne ayant perdu son charme. Parmi les lieux les plus emblématique on pense au club clandestin « chez Fat Moe, le vrai », les quais de la fusillade, l’usine, le QG des bandits le restaurant où Noodles invite Deborah, la Fumerie d’opium… Des décors très réussis dans lequel on reconnaît la pâte de Simi.

 

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Mais bien sûr comme toujours dans les films de Leone le point fort c’est la musique d’Ennio Morricone. Le musicien signe l’une de ses plus belles partitions. Le thème de Deborah est d’une beauté incroyable. Mais Morricone est toujours obsédé par une musique interne au film. Ainsi après la montre au carillon d’...Et Pour Quelques Dollars de Plus et l’harmonica d’Il Etait une Fois dans L’Ouest, on a la flûte de pan d’Œil en coin. Le thème est là encore très réussi. D’un côté celui de l’aventure des jeunes voyous (qui est également repris sur un ton dramatique avec un orchestre) et celui de la violence de la rue aux tonalités impitoyables et sauvages. La musique de Morricone vient une fois de plus magnifier les images somptueuses de Leone. Un régal pour l’ouïe !

A sa sortie Il Etait une Fois en Amérique rencontrera un accueil mitigé. Aux Etats Unis (le public quelque part visé) le film fera un flop. Cet échec est notamment dû au fait qu’il sera amputé de plusieurs séquences pour aboutir sur une version d’environ 1H30. En réalité, Leone s’était engagé au près de la Warner à faire une version de 165 minutes. Etant donné qu’au final le film fait presque quatre heures, la Warner coupera des flashs back et les scènes dénuées de violence. On peut parler de charcutage d’un chef d’œuvre. En Europe le film sortira dans une version de 3H40 qui fera un triomphe. Comme je l’ai déjà évoqué, il existe une nouvelle version restaurée de 4H15, mais ne l’ayant pas vu je ne pourrais pas en parler.

Avec Il Etait une Fois en Amérique, Leone signe son dernier et plus grand film. Le projet abouti de quinze ans de passion. Il Etait une Fois en Amérique est un film d’une beauté immense, sur l’amitié, l’amour, la trahison mais également une fresque incroyable d’une époque flamboyante et mythique des Etats Unis.

Ce film, c’est donc le rêve américain de Leone, son chef d’œuvre absolu qui mérité de figurer au panthéon des plus grands films de tous les temps             

       

Note : 20,5/20

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Commentaires
K
Bonjour<br /> <br /> Excellente critique mais s'il vous plaît arrêtez de véhiculer cette légende totalement fausse de la soi-disant apparition de Sergio Leone en guichetier vendant un billet simple pour Buffalo à Noodles!<br /> <br /> Ce n'est juste pas lui...<br /> <br /> Regardez d'ailleurs la photographie de Sergio Leone illustrant votre propre article, à part la barbe et les lunettes, il est assez éloigné de l'acteur jouant le guichetier! <br /> <br /> Bien cordialement.
V
à James: je ne pense pas que tu possède la longue car elle est à peine sortie. Sinon c'est clairement un grand monument su septième art qui semble faire l'unanimité.
J
Je vérifierai quelle est la longueur de la version que j'ai en dvd. Je me rappelle juste ne jamais avoir pu la regarder d'une traite. Et effectivement, une merveille du genre. Je ne saurais pas trop dire quel est le meilleur entre Le parrain et Il était une fois en Amérique, je sais que revanche avoir une préférence pour ce dernier. Le vieillissement des personnages, les différents parcours, l'excellent équilibre trouvé entre les enjeux personnels et les actes de banditisme... Je me rajoute à la note finale, un tel travail mérite d'être érigé au panthéon.
V
à Borat: Ok
B
Je n'ai pas de lien mais elle vient de sortir au moins en BR. Elle est à la fnac je l'ai vu hier.
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